Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune

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(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 27 octobre 2016

Les deux pigeons, de Jean de La Fontaine

Durgalola nous invitant au voyage pour le défi n°172 des CROQUEURS DE MOTS, suggère un poème comprenant trois mots dans une liste de dix.

En cherchant encore, je finirai sans doute par en trouver parmi les poèmes connus que j'aime vous proposer dans ces jeudis en poésie. Jusqu'à présent je plafonne à deux. La Fontaine et ses amis me pardonneront d'y ajouter une morale pour retomber sur mes pieds.


LES DEUX PIGEONS

Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre.
L'un d'eux s'ennuyant au logis
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L'absence est le plus grand des maux :
Non pas pour vous, cruel.  Au moins que les travaux,
Les dangers, les soins  du voyage,
Changent un peu votre courage.
Encore si la saison s'avançait davantage !
Attendez les zéphyrs : qui vous presse? Un Corbeau
Tout à l'heure annonçait malheur à quelque Oiseau.
Je ne songerai plus que rencontre funeste,
Que Faucons, que réseaux1. Hélas, dirai-je, il pleut :
Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,
Bon soupé, bon gîte, et le reste ? 
Ce discours ébranla le coeur
De notre imprudent voyageur ;
Mais le désir de voir et l'humeur inquiète
L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point :
Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;
Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures à mon frère.
Je le désennuierai : quiconque ne voit guère
N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous sera d'un plaisir extrême.
Je dirai : J'étais là ; telle chose m'avint ;
Vous y croirez être vous-même.
A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.
Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage
L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage
Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.
L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,
Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un Pigeon auprès : cela lui donne envie :
Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las2 
Les menteurs et traîtres appas.
Le las était usé : si bien que de son aile,
De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.
Quelque plume y périt : et le pis du destin
Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle,
Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle
Et les morceaux du las qui l'avaient attrapé,
Semblait un forçat échappé.
Le Vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
Le Pigeon profita du conflit des voleurs,
S'envola, s'abattit auprès d'une masure,
Crut, pour ce coup, que ses malheurs
Finiraient par cette aventure ;
Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié
Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié
La Volatile3 malheureuse,
Qui, maudissant sa curiosité,
Traînant l'aile et tirant le pié,
Demi-morte et demi-boiteuse,
Droit au logis s'en retourna :
Que bien, que mal  elle arriva
Sans autre aventure fâcheuse.
Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.
Amants, heureux amants , voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas! Quand reviendront de semblables moments?
Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète?
Ah! si mon coeur osait encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête?
Ai-je passé le temps d'aimer?

Jean de La Fontaine


La morale de cette histoire
C'est qu'il eut été sage
de rester dans les parages




7 commentaires:

  1. Pas facile les coms sur smartphone au lit alors je serai brève comme il n'est pas aisé de trouver un poème avec des mots imposés. Tu t'en sors adroitement. J'ai aimé. Bon jeudi

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  2. Oh oui Jeanne, chez soi on ne craint point toutes ses... mésaventures ! Mais parfois l'ennui vous invite à faire de ces choses... merci, bises

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  3. Quelle beauté d'écriture ! Pour la sagesse, je ne sais...

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  4. La morale, il y a bien sur le pour mais aussi le contre.
    Le pour - Pierre qui roule n'amasse pas mousse
    le contre - Les voyages forment la jeunesse.
    La demi-mesure serait l'idéal.
    Pour être écrit avec des mots imposés ce poème est superbe,
    Bravo
    Bonne journée
    Bise
    Maryse

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  5. je ne connaissais pas ce poème de La Fontaine, très instructif. Bises et merci pour ce défi.

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  6. Bonjour Jeanne,

    Bravo, tu as su trouver à cette fable la morale qui te permet de réussir parfaitement ta participation.
    Bises bien amicales.

    Henri.

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