Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune

145 en 2010 ; 122 en 2011 ; 148 en 2012 ; 121 en 2013 ; 118 en 2014 ; 122 en 2015, 123 en 2016, encore 123 en 2017, 121 en 2018 ? 101 femmes depuis le 1e janvier 2019 en France (2 septembre 2019) , soit une femme tous les deux jours ! accélération ou meilleure visibilité ?

(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 29 décembre 2022

Le merle, de Théophile Gautier

 Dômi à la barre du défi n°274 des CROQUEURS DE MOTS dernier de l'année nous murmure à l'oreille :
" j’aimerais que vous redonniez un peu de magie
A ceux pour qui cette fête de Noël a perdu tout son sens."

C'était le 22 décembre 2016 pour le défi 176 et je remets en ligne ce poème que je trouve si plein de confiance en la succession des saisons.
Rajout de mardi 27/12/22 : Et vous savez quoi ? Je venais de programmer ce billet lundi matin quand un descendant du merle Topaze est venu chanter sur le toit de mon abri de jardin.
Ce jeudi matin, lui ou un autre merle picorait à nouveau dans l'herbe de mon  petit jardin.

Le merle
Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.
C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.
Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.
Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.
Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.
Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.
Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.
A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !
Théophile Gautier, Recueil : Émaux et Camées (1852)..

Théophile Gautier (1811-1872), poète, romancier et critique d'art français

source Les jardins de Den'


pastel sec, esquisse sur papier à dessin, pour illustrer Le merle Topaze, en novembre 2010

lundi 26 décembre 2022

Défi n°274 : silence on tourne

Dômi à la manœuvre du défi 274 des CROQUEURS DE MOTS nous invite à faire notre cinéma et nous donne ces consignes :

Alors je vais faire court, en vous demandant tout simplement

d'imaginer le scénario d'un film

tout en vous inspirant de l'image que voici 

Mes consignes seront d’être drôle, drôle et drôle 


Pas beaucoup de temps ni la tête à consacrer au défi alors j'ai délégué l'écriture d'un scénario d'après cette histoire pas forcément drôle mais à traiter à la Buster Keaton en burlesque burlesque burlesque :

clic sur l'image pour lire le slogan
Il n'y aura pas de dinde à Noël

Le père Noël se fait de plus en plus vieux. Son unique fils un peu loufoque adorait se promener en tee-shirt dans la neige jusqu'à ce que sa femme qui le suivait partout même à la campagne et par tous les temps ne meure d'une fluxion de poitrine un soir de Noël où il faisait -10°. Devenu veuf il avait élevé seul son unique fils dans la détestation de Noël. La fille du père Noël, journaliste people, traquait les retardataires dans leur shopping de Noël ce qui donnait lieu à des scènes surréalistes. Les enfants du père Noël ont pris leur retraite depuis longtemps déjà sans lui succéder et lui désormais approchant la centaine a de moins en moins de patience et de résistance. Tant et si bien que cette année il est a deux doigts de démissionner quand l'ex du père Noël, tout aussi gâteuse que lui, revient en ville pour Noël avec l'idée de réunir la famille autour du sapin (dans l'intention de le recycler ensuite en ... vous voyez ce que je veux dire). 
Non mais quand même ! Voilà autre chose ! Il faut préparer un repas à la dernière minute pour des vieux enfants dont l'un n'aime pas Noël, l'autre l'adore. Il n'a pas envie d'aller exprès en ville pour acheter un sapin et de toutes façons il n'a pas l'argent.
Le petit fils, enfant attardé et petit fûté lui suggère alors de former une chorale chantant de porte en porte et d'utiliser le produit de ces enchères de charité.
Pépé Noël s'apprête à passer Noël en famille. A sa place le doublage, dans certains scénarios, conduira à la catastrophe tandis que dans d'autres qu'il espère les plus nombreux, la magie de Noël opérera pour le plus grand bonheur d'une happy end. Ce qui sera en soi, un petit "miracle de Noël


casting par ordre d'entrée en scène sous réserve ... :
Le père Noël : Robert Marcy Robert Marcy — Wikipédia (wikipedia.org) et Pierre Richard Pierre Richard — Wikipédia (wikipedia.org) (il en faut bien deux pour se relayer)
son fils : Didier Bourdon Didier Bourdon — Wikipédia (wikipedia.org) j'sais pas s'il va me pardonner de lui proposer un emploi de retraité. Sinon Alain Chabat que je verrais bien aussi en scénariste Alain Chabat — Wikipédia (wikipedia.org)
sa brue : Camélia Jordana Camélia Jordana — Wikipédia (wikipedia.org) (non ce n'est pas une erreur elle sera éternellement jeune dans mon scénario)
son petit-fils : Félix Moati Félix Moati — Wikipédia (wikipedia.org)
son ex : Micheline Presle Micheline Presle — Wikipédia (wikipedia.org) et Dorette Ardenne Dorette Ardenne — Wikipédia (wikipedia.org) Il en faut bien deux pour un tel rôle !!!

Scénariste principal : Alain Chabat ??? *
sous l'aimable supervision de Francis Rigaud Francis Rigaud — Wikipédia (wikipedia.org)


*Je n'avais pas osé mais comme une très vieille enfant qui croit toujours au père Noël, je me suis régalée hier soir en regardant Santa et Cie à la télévision le film Santa & Cie - Santa & Cie Bande-annonce VF - AlloCiné (allocine.fr)
 

jeudi 22 décembre 2022

Chagall et mon parrain, poème personnel

Dômi à la manœuvre du défi 274 des CROQUEURS DE MOTS nous invite à faire notre cinéma et 
Pour les jeudi poésie, j’aimerai (Dômi) que vous redonniez un peu de magie
A ceux pour qui cette fête de Noël a perdu tout son sens.
Vous pouvez même dédier votre poème à des personnes de votre entourage.
Alors rééditer ce qui suit était une évidence car s'il existe un  paradis des artistes, sûr que mon Parrain y est depuis qu'il a tiré sa dernière révérence. Longtemps des débuts du cinéma aux années 1950, les salles complétaient la séance en deuxième partie par un spectacle de cirque de music-hall et les clowns étaient là aussi en cas de coupure du film ou entre deux bobines et mon parrain étaient de ceux-là.
Ce qui suit raconte le début de mes vacances chez eux à Noël 1958 où j'ai assisté à la transformation de leur salle à manger. J'avais huit ans et en assistant à cette création, j'avais envie de croire à nouveau au père Noël.

à mon parrain, 
Sous les fusains de mon parrain
la magie opérait,
transportant en la transformant
la salle à manger,
tapissée en mode éphémère
de papier recyclé,
dans les rues de la capitale :
les arcades de la rue de Rivoli,
des devantures enguirlandées ;
sur les trottoirs,
des badauds nonchalants
et des gens pressés ;
dans les jardins du Louvre,
des enfants emmitouflés
avec des moufles et des bonnets,
avec des ballons et des cerceaux ;
et même près de la Tour Eiffel,
le castelet du Guignol du Champ de Mars ;
Le cadran de la pendule
habillé en église Saint-Germain-des prés ;
au-dessus de la ville, les toits de Paris ;
sur la coupole de l'Opéra
un joyeux luron près de l'ange
avec un tout petit violon,
et un traîneau prêt à venir.
C'était une veille de Noël
en 1958.
©Jeanne Fadosi, jeudi 3 novembre 2016
pour l'herbier de poésie 54


en prolongement de Miro et mon parrain, billet pour un autre jeu d'écriture, Le nid des mots, où le tableau de Miro proposé m'avait incité à rééditer un texte hommage à mon parrain écrit pour sa mort en 1980.
Le dessin, une de ses passions avec la musique et les arts du cirque, il avait réussi à en faire son métier dans la première partie de sa vie où il créait les maquettes des motifs ornant les robes brodées de strass, de perles et de paillettes d'une grande maison de couture sans sacrifier à sa passion d'artiste de music hall en clown blanc, imitateur, illusionniste et virtuose musical. Il a passé les cinq années de la seconde guerre mondiale en stalag, comme prisonnier de guerre et la mode étant passée, il a dû terminer sa vie professionnelle comme employé de bureau tout en continuant à être clown le dimanche. Mais il n'avait pas perdu son goût pour le dessin et cette fin d'année-là, j'avais huit ans, j'ai assisté en deux heures environ, avec l'aide de son fils bon dessinateur également, à la métamorphose de leur pièce à vivre. Le noir et blanc n'altérait pas l'effet, nous y étions habitués avec les photos, la télévision et le cinéma. Le résultat était bluffant, autant de réalisme que de poésie lunaire, les deux subtilement mélangés. Le violon sur le toit, je l'ai inventé pour ce jeu d'écriture, . . . peut-être . . . mais il est tout à fait crédible et il l'a peut-être dessiné, . .  ou peut-être pas.
Le violon minuscule, lui, existait bien, rangé dans son étui, dans le bas du buffet bas.

Pendant que je remettais en ligne ce billet j'écoutais une émission où les invités étaient le mentaliste Viktor Vincent et le professeur en psychologie sociale Robert-Vincent Joule et évidemment le mentaliste a évoqué l'ancien nom de son métier d'artiste : illusionniste. "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous", ...





 

mercredi 21 décembre 2022

Tchou, tchou Khalis

Khalis tu ne peux pas être une fleur
Et ne jure pas nom d'une pipe
Car vois-tu de la tulipe
Le calice n'a point d'odeur.

Un Thalys en es-tu bien sûr ?
Par beau temps comme sous l'orage
Tu n'verras rien du paysage
Quoique ;;; un train en miniature ...

En thalis aurait fière allure
Et ferait rêver j'en suis sûr
Avec sa gare et son circuit.

Viens je te mets dans ta boite
Orné d'un beau papier cadeau
Grimpe dans ma hotte sur mon dos

Signé le Père Noël
 





J'essaierai de tenir à peu près à jour Mes prénoms saison 14

Mes prénoms du mercredi saison1 
dansaient à la guinguette de la Récréa-bigornette, et ceux de La cour de récré de JB avec mes participations aux Prénoms du mercredi :

Si vous voulez connaître la genèse de cette aventure ludique, Bigornette, Présidente d'honneur de La cour  de récré de JB, pour avoir créé les prénoms du mercredi, s'en expliquait ICI.

mardi 20 décembre 2022

Oyez CROQUEURS DE MOTS !!! Dômi nous embarque pour un défi de magie

Dômi, Notre vaillante capitaine des CROQUEURS DE MOTS, nous invite à clore l'année 2022 avec pour 

consignes d’être drôle, drôle et drôle

Vous le devinez au titre, il y a du scénario dans l'air Défi 274 : Silence on tourne ! 

Allez vite découvrir le détail de ce défi Défi 274 : Silence on tourne ! - Les Croqueurs de Môts (over-blog.com)

 à publier le lundi 26 décembre pour le défi et les jeudis 22 et 29 décembre pour les poésies.



  

lundi 19 décembre 2022

Bleue Gaïa

Pour la page 212 de  l'Herbier de poésies

La lune éborgnée
drapée telle une madone
enfantant Gaïa

dans les plis bleus de la nuit
mesure son impuissance

Un guerrier debout
sur combien de corps vaincus
sous son arrogance

Est sourd à leurs plaintes vaines
dans l'Histoire qui bégaie
©Jeanne Fadosi, jeudi 15 décembre 2022
pour la page 212 de l'Herbier de poésies
à découvrir bientôt avec les autres brins sur la page 212



 

vendredi 16 décembre 2022

Bidules et fatrasie

 pour  Le nid des mots de abécé, thème de décembre :  

thème à publier le vendredi 16 décembre 2022 sur votre blog : Entrez en fatrasie

Le nid des mots de abécé

Dans le crépuscule
Les conciliabules
Sont cacophonie
Quelques libellules
De leurs mandibules
Cherchent l'harmonie.

Pour devenir symphonie
Il faudrait plus que des bulles
Dans ces guerres infinies
Où de rares funambules
Rêvent de nations unies.
©Jeanne Fadosi, samedi 3 décembre 2022
pour le nid des mots du 16 décembre 2022


Pas facile le défi du mois pour le nid des mots.
Si j'en crois wikipedia, une fatrasie est un poème qui privilégie la forme sur le fond en jouant sur les sons et se compose de 6 vers de cinq pieds suivis de 5 vers de 7 pieds et qui n'utilise que 2 rimes se succédant ainsi : AABAAB BABAB
En apparence incohérent, satirique de manière implicite
selon l'internaute c'est une Composition littéraire que l'on créait à l'époque moyenâgeuse, et qui se composait de proverbes, de phrases sans suite, etc. Une fatrasie possédait la plupart du temps une pensée à caractère satirique.
et selon le CNRTL Pièce en vers d'un genre mineur, écrite dans un style amphigourique* et présentant des incohérences dans la composition et les idées développées. 

*amphigourique : Qui a le caractère de l’amphigouri, figure de rhétorique qui consiste à écrire un discours ou un texte de manière volontairement burlesque, obscure ou inintelligible.
https://fr.wiktionary.org/wiki/amphigourique

je vous épargne l'encyclopedia universalis qui m'a perdu dans des considérations de jeux linguistiques complexes mais si vous en avez la curiosité : FATRASIE - Encyclopædia Universalis

jeudi 15 décembre 2022

Grand âge et bas âge mêlés X, de Victor Hugo

 


Pour ce second jeudi en poésie du défi n°273 des CROQUEURS DE MOTS, pardonnez-moi cette folie que de vous soumettre ce long poème de Victor Hugo. (Pour ceux qui connaissent le poète, il fait encore bien plus long). 

Je l'avais mis en ligne le 25 juillet 2010 dans Jeux de mots et d'âges mêlés pour compléter Jeux de mots et petites phrases et réédité en 2015 pour le défi 140

Grand âge et bas âge mêlés
X

Tout pardonner c'est trop, tout donner, c'est beaucoup !
Eh bien, je donne tout et je pardonne tout
Aux petits ; et votre œil sévère me contemple.
Toute cette clémence est de mauvais exemple.
Faire de l'amnistie(1) en chambre est périlleux.
Absoudre des forfaits commis par des yeux bleus
Et par des doigts vermeils et purs, c'est effroyable.
Si cela devenait contagieux, que diable !
Il faut un peu songer à la société.
La férocité sied à la paternité ;
Le sceptre doit avoir la trique pour compagne ;
L'idéal, c'est un Louvre appuyé sur un bagne ;
Le bien doit être fait par une main de fer.
Quoi ! si vous étiez Dieu, vous n'auriez pas d'enfer ?
Presque pas. Vous croyez que je serais bien aise
De voir mes enfants cuire au fond d'une fournaise ?
Eh bien ! non. Ma foi non ! J'en fais mea-culpa ;
Plutôt que Sabaoth je serais Grand-papa.
Plus de religion alors ? Comme vous dites.
Plus de société ? Retour aux troglodytes,
Aux sauvages(2*), aux gens vêtus de peaux de loups(3*) ?
Non, retour au vrai Dieu, distinct du Dieu jaloux,
Retour à la sublime innocence première,
Retour à la raison, retour à la lumière !
Alors vous êtes fou, grand-père. J'y consens.
Tenez, messieurs les forts et messieurs les puissants,
Défiez-vous de moi, je manque de vengeance.
Qui suis-je ? Le premier venu, plein d'indulgence,
Préférant la jeune aube à l'hiver pluvieux,
Homme ayant fait des lois, mais repentant et vieux,
Qui blâme quelquefois mais qui jamais ne damne,
Autorité foulée aux petits pieds de Jeanne,
Pas sûr de tout savoir, en doutant même un peu,
Toujours tenté d'offrir aux gens sans feu ni lieu
Un coin du toit, un coin du foyer, moins sévère
Aux péchés qu'on honnit qu'aux forfaits qu'on révère,
Capable d'avouer les êtres sans aveu.
Ah ! ne m'élevez pas au grade de bon Dieu !
Voyez-vous, je ferais toutes sortes de choses
Bizarres ; je rirais ; j'aurais pitié des roses,
Des femmes, des vaincus, des faibles, des tremblants ;
Mes rayons seraient doux comme des cheveux blancs ;
J'aurais un arrosoir assez vaste pour faire
Naître des millions de fleurs dans toute sphère,
Partout, et pour éteindre au loin le triste enfer(2) ;
Lorsque je donnerais un ordre, il serait clair ;
Je cacherais le cerf aux chiens flairant sa piste ;
Qu'un tyran pût jamais se nommer mon copiste,
Je ne le voudrais pas ; je dirais : Joie à tous !
Mes miracles seraient ceci : - Les hommes doux. -
Jamais de guerre. - Aucun fléau. - Pas de déluge(3). -
- Un croyant dans le prêtre, un juste dans le juge. -
Je serais bien coiffé de brouillard, étant Dieu,
C'est convenable ; mais je me fâcherais peu,
Et je ne mettrais point de travers mon nuage
Pour un petit enfant qui ne serait pas sage ;
Quand j'offrirais le ciel à vous, fils de Japhet,
On verrait que je sais comment le ciel est fait ;
Je n'annoncerais point que les nocturnes toiles
Laisseraient pêle-mêle un jour choir les étoiles,
Parce que j'aurais peur, si je vous disais ça,
De voir Newton pousser du coude Spinoza ;
Je ferais à Veuillot(3) le tour épouvantable
D'inviter Jésus-Christ et Voltaire à ma table,
Et de faire verser mon meilleur vin, hélas,
Par l'ami de Lazare à l'ami de Calas ;
J'aurais dans mon éden, jardin à large porte,
Un doux water-closet(5*) mystérieux, de sorte
Qu'on puisse au paradis mettre le Syllabus(4) ;
Je dirais aux rois : Rois, vous êtes des abus,
Disparaissez. J'irais, clignant de la paupière,
Rendre aux pauvres leurs sous sans le dire à Saint-Pierre,
Et, sournois, je ferais des trous dans son panier
Sous l'énorme tas d'or qu'il nomme son denier ;
Je dirais à l'abbé Dupaloup : moins de zèle !
Vous voulez à la vierge ajouter la Pucelle(5),
C'est cumuler, monsieur l'évêque ; apaisez-vous.
Un Jéhovah trouvant que le peuple à genoux
Ne vaut pas l'homme droit et debout, tête haute,
Ce serait moi. J'aurais un pardon pour la faute,
Mais je dirais : Tâchez de rester innocents.
Et je demanderais aux prêtres, non l'encens,
Mais la vertu. J'aurais de la raison. En somme,
Si j'étais le bon Dieu, je serais un bon homme(6).
Victor Hugo, L'art d'être Grand-père,
poèmes Gallimard, édition 2008, pages 108 à 110


Victor Hugo, écrivain et poète français, 1802 - 1885

Anecdote : je suis allée en ville l'après-midi où j'avais mis en ligne ce poème de Victor Hugo. "Ville" est un bien grand mot pour une bourgade d'environ 5000 habitants. Dans bien d'autres pays ce ne serait qu'un petit village. Il y a encore deux pharmacies et depuis presque trois ans de nouveau une libraire indépendante. J'avais oublié que nous étions mercredi et il y avait une mère de famille avec ses enfants dont le plus jeune insistait pour rajouter un petit livre sans succès. L'enfant à l'échec d'une ultime tentative lui a dit "c'est injuste". La maman a répondu "oui, c'est injuste mais c'est comme ça."
J'ai tiqué. Je me suis retenue pour ne pas y mettre mon grain de sel. Certes, elle avait raison contre Victor Hugo de ne pas tout donner. Mais elle n'a pas raison de conforter l'enfant dans son sentiment d'injustice. Non ce n'était pas injuste. Il y avait mille façons de l'argumenter. Mais sans doute voulait-elle seulement ne pas déclencher une discussion sans fin.
L'enfant n'a plus rien demandé. J'avoue ne pas avoir fait attention à ce qui avait été acheté pour sa grande sœur.

Victor Hugo et ses petits enfants vers 1875

notes Gallimard :
(1) ce mot a une forte connotation politique en 1873-1876 : Hugo mène une campagne active pour l'amnistie des communards et dépose au Sénat une proposition de loi pour l'amnistie générale qui est rejetée le 22 mai 1876.
(2) tout en s'amusant, Hugo expose ici sa doctrine sur la fin de Satan et le salut des planètes damnées qui seront parsemées de fleurs.
(3) Hugo fait concrètement référence aux graves inondations de 1875 qui ont ravagé la région de Toulouse et dont le journaliste célèbre Louis Veuillot (oublié aujourd'hui sans surprise) qui déclarait dans un article du journal l'Univers du 28 juin 1875 que c'était un châtiment de Dieu
(4) Le Syllabus publié sur ordre de Pie IX, le 8 décembre 1964, à l'issue de l'encyclique Quanta cura, renfermait les "principales erreurs de notre temps" : rationalisme, libéralisme, socialisme, etc.
(5) le 8 mai 1869, l'évêque d'Orléans s'efforce de faire établir la sainteté de Jeanne d'Arc. Elle sera finalement béatifiée en 1914 et canonisée en 1920.(4*)
(6) Ce vers final figure dans l'ébauche du Reliquat :
Certes, j'accorde à l'âme humaine ce besoin,
Un bon Dieu, mais on doit de ses fils avoir soin,
On doit justifier le nom dont on se nomme,
Si j'étais un bon Dieu, je serais un bon homme.

Mes propres grains de sel
(1*) Victor Hugo évoque ses petits enfants, Jeanne et Georges, nés en 1869 et 1868 et qui avaient sans doute tout simplement les yeux bleus.
(2*) revoici les sauvageons, devenus  des sauvages adultes
(3*) pourquoi des peaux de loups plutôt que des peaux d'autres animaux ? J'y vois peut-être un clin d’œil au fait que les loups vivent en sociétés organisées selon des lois.
(4*) Je suis frappée par la coïncidence de cette date de la béatification avec l'atmosphère de va-t-en guerre qui prévaut cette année-là avant le début de la première guerre mondiale.
(5*) cette note est pour les plus jeunes qui ignorent peut-être que WC vient de water closets. Je suppose qu'il est inutile de développer davantage pourquoi Hugo met le Syllabus dans ce lieu..

mardi 13 décembre 2022

Pleine lune

En ces temps de novembre j'étais privée d'ordinateur qui avait besoin d'une cure de santé. J'avais vu sur mon téléphone portable l'image proposée pour la page 209 de  l'Herbier de poésies

Ce soir du 9 novembre je revenais d'un circuit des cimetières où il y a des tombes de nos proches. La lune était pleine. Mon trajet a longuement accompagné son lever dans un ciel de plaine bien dégagé, double étonné et étonnant de l'aquarelle d'Adamante.

Ce mercredi soir
longtemps en lévitation
elle trace la route

D'abord grosse comme un soleil
doucement rétrécissant

C'est un rituel par héritage dont je ne ressens pas l'urgence. Mes morts sont dans mon coeur et s'invitent dans une nostalgie douce, sans besoin de rendez-vous. Il suffit d'un paysage, d'un lieu-dit, d'un objet parfois, d'un questionnement que j'aimerais soumettre à l'une ou l'autre de mes chers disparus comme aux années de ces partages stimulants.

Je me pensais grande
ils balisaient mon chemin
d'âme buissonnière

Il faut me débrouiller seule
sans réponse à mes questions.

La lune rose et ocre dans l'heure bleue, montgolfière sans nacelle, pantin aux ficelles invisibles a deux yeux je vous assure et à sa bouche un grand sourire malicieux. Comment penser tristement à mes morts ? Cendres dispersées trop loin pour en visiter le lieu ou dépouilles emmurées dans le béton des tombeaux, que peut-il leur survivre ? Je ne crois pas et ne sais rien. Des questions encore et encore ...

... restant en suspens.
Des réponses provisoires
rassurent les vivants

Des mots des phrases des pensées
font les civilisations

Les villages des morts, leur allure, les soins, disent plus des vivants que des disparus. J'y vais rarement mais je cède aux rituels à quelques jours près. Quand je peux. Je crains les foules, celles des cimetières comme les autres. Ce n'est pas vraiment une contrainte, plutôt une injonction intime surgie du fond des âges, joie et tristesse mêlées.

Ce mercredi soir
sur la route du retour
Novembre est trop vert

Dame lune lentement
s'élève au-dessus des champs

Cercle facétieux
pâle copie du soleil
je te vois sourire

Là-bas des objets symboles
parlent aux morts des vivants.
©Jeanne Fadosi, dimanche 20 novembre 2022
pour la page 209 de l'Herbier de poésies
à découvrir après les autres brins sur la page 209
au coin des retardataires

Adamante Donsimoni - Aquarelle 

Lors de mes étapes j'ai pris quelques photos dont ces deux-là :

A travers la vitre d'un vieux monument funéraire
construit par un maçon pour sa famille


ce qu'il reste sur une tombe abandonnée
dans le coin des enfants d'un autre cimetière