Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune

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(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

samedi 21 novembre 2020

Souvenirs du bord de l'eau

 Pour le Nid des mots de ABC :

thème à publier le samedi 21 novembre sur vos blogs :
"En écoutant la Moldau de Smétana, écrire sur le thème de l'eau"

 



L'eau s'écoulait nonchalamment
A peine ridée par le vent
Le chaland allait lentement
La femme sans âge,
sans nuage sur son visage
S'imprégnait du paysage

J'avais vu son annonce d'offre de cours particuliers de piano classique et moderne dans le journal Le Monde car j'avais acheté un clavier électronique et je ne m'en sortais pas toute seule. Il lui fallait deux  heures par le train depuis Paris où elle logeait dans un foyer pour femmes de L'Armée du Salut et autant pour le retour. Juste pour  m'apprendre les rudiments du piano pendant mon troisième congé de maternité et pour un prix plus que modeste.  

Après ma leçon je lui offrais du thé et des gâteaux et nous écoutions de la musique de son choix. Elle aimait particulièrement La Moldau de Smetana. Et quand le temps était clément elle me demandait si nous pouvions aller nous promener le long de la rivière toute proche. Nous étions en hiver, j'emmitouflais mon bébé et nous partions avec le landau.

Le poème symphonique de Smetana est enkysté de ce souvenir de près de quarante ans. Elle me disait combien contempler le fil de l'eau l'apaisait et elle me racontait par bribes des fragments de sa vie d'avant. Sa voix sans affect, sans ressentiment non plus, avait le même ton que si elle m'avait demandé de lui passer le sel.

D'elle je n'ai su que peu de choses sinon qu'elle était arrivée d'Asie avec les boat people. Elle avait été pharmacienne dans une autre vie. Elle avait vendu son officine, puis son logement. Il valait mieux désormais être locataire que propriétaire. Mais ces précautions n'avaient pas suffi et elle avait perdu toute sa famille un jour de grand "ménage".

L'émotion avait déserté
comme le sel brûlant ses blessures.
Cœur à vif, cœur flétri,
Le tribu à sa survie.

L'eau s'animait doucement
Au passage de la péniche.

L'accès à une eau propre dans le monde en 2020 (source Le petit journal)

7 commentaires:

  1. Bonjour Jeanne,
    Magnifique texte de ces souvenirs du bord de l'eau ! Des souvenirs inoubliables !!! Bonne fin de semaine ! Bises♥

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  2. Se déraciner un jour, tout quitter pour un sol étranger... Une belle profession derrière elle, pour ensuite donner des cours de piano ici...il y en a !! Triste histoire ! Bises

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  3. Un souvenir émouvant de cette femme qui t'a appris à pianoter, c'est beau.
    Merci Jeanne pour cette tranche de vie.
    Bises et bon samedi

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  4. Ton texte est très émouvant. Quand musique et souvenirs s'entremêlent la mémoire se souvient avec d'autant plus d'intensité et d'authenticité. Merci !

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  5. Un tres beau texte pour ce défi , on ne s'imagine pas tout ce que ces déracinés ont du endurer pour trouver enfin la paix , émouvante histoire .
    Bonne soirée
    Bises

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  6. J'espère que cette personne a fini par trouver une certaine paix. Déjà sans tracasseries administratives et sans trop de problèmes matériels c'est difficile, j'imagine juste à l'aune de la façon dont j'ai pendant mes études vécu mon déracinement d'un département campagnard à Paris. Et je pouvais rentrer dans ma famille aux petites vacances ....

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  7. Très beau récit... très émouvant.
    C'est fou ce que ces mots réveillent en moi !
    Merci !

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