Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune

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(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 26 septembre 2019

La bonne soirée, de Théophile Gautier

Martine animant le défi n°224 des CROQUEURS DE MOTS depuis son Quai des Rimes nous propose pour les jeudis en poésie des 26 septembre et 3 octobre, au choix :
écrire un poème en vers ou en prose sur les deux autres thèmes en tenant compte ou pas des titres proposés
ou
partager un poème ou une chanson que vous aimez bien sur les trois thèmes proposés ou sur d'autres thèmes
J'ai choisi d'illustrer par un poème choisi, "le thème présent : sauf-conduit pour aujourd'hui". Un carton d'invitation que le poète a la furieuse envie de ne pas utiliser.
La bonne soirée
Quel temps de chien ! - il pleut, il neige ;
Les cochers, transis sur leur siège,
Ont le nez bleu.
Par ce vilain soir de décembre,
Qu'il ferait bon garder la chambre,
Devant son feu !

A l'angle de la cheminée
La chauffeuse capitonnée
Vous tend les bras
Et semble avec une caresse
Vous dire comme une maîtresse,
" Tu resteras ! "

Un papier rose à découpures,
Comme un sein blanc sous des guipures.
Voile à demi
Le globe laiteux de la lampe
Dont le reflet au plafond rampe,
Tout endormi.

On n'entend rien dans le silence
Que le pendule qui balance
Son disque d'or,
Et que le vent qui pleure et rôde,
Parcourant, pour entrer en fraude,
Le corridor.

C'est bal à l'ambassade anglaise ;
Mon habit noir est sur la chaise,
Les bras ballants ;
Mon gilet bâille et ma chemise
Semble dresser, pour être mise,
Ses poignets blancs.

Les brodequins à pointe étroite
Montrent leur vernis qui miroite,
Au feu placés ;
A côté des minces cravates
S'allongent comme des mains plates
Les gants glacés.

Il faut sortir ! - quelle corvée !
Prendre la file à l'arrivée
Et suivre au pas
Les coupés des beautés altières
Portant blasons sur leurs portières
Et leurs appas.

Rester debout contre une porte
A voir se ruer la cohorte
Des invités ;
Les vieux museaux, les frais visages,
Les fracs en coeur et les corsages
Décolletés ;

Les dos où fleurit la pustule,
Couvrant leur peau rouge d'un tulle
Aérien ;
Les dandys et les diplomates,
Sur leurs faces à teintes mates,
Ne montrant rien.

Et ne pouvoir franchir la haie
Des douairières aux yeux d'orfraie
Ou de vautour,
Pour aller dire à son oreille
Petite, nacrée et vermeille,
Un mot d'amour !

Je n'irai pas ! - et ferai mettre
Dans son bouquet un bout de lettre
A l'Opéra.
Par les violettes de Parme,
La mauvaise humeur se désarme :
Elle viendra !

J'ai là l'Intermezzo de Heine*,
Le Thomas Grain-d'Orge de Taine**,
Les deux Goncourt ;
Le temps, jusqu'à l'heure où s'achève
Sur l'oreiller l'idée en rêve,
Me sera court.
Théophile Gautier, Recueil : Émaux et Camées (1852).
Toulouse-Lautrec, Dans le lit,  huile sur toile, 1893, musée d'Orsay


Théophile Gautier, 1811 - 1872, poète, romancier et critique d'art français
* Henrich Heine, 1797 - 1856, un des plus grands écrivains allemands du XIXe siècle
** Notes sur Paris. Vie et opinions de M. Frédéric Thomas Grain-d'Orge, roman de 1867 de Hippolyte Taine, 1828 - 1893, philosophe et historien français.
Henri de Toulouse Lautrec, 1864 - 1901, peintre et illustrateur français

Un poème qui m'a rappelé Le dîner de Bénabar

24 commentaires:

  1. Théophile n'avait guère envie de se montrer à ce bal ! Parfois il est bon de dire je m'en fous, je n'irai pas, comme moutons de Panurge ;-)

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    1. Une bonne leçon de savoir vivre pour soi eh oui ... bises

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  2. Merci beaucoup Jeanne très beau poème que je ne connaissais pas. Il convient tout à fait au titre proposé. Bisous

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  3. Magnifique ce poème de Théophile Gautier. Merci Jeanne. Quel plaisir de le relire.
    Bises et bon jeudi

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    1. J'admire ! je l'ai découvert pour cette occasion et il m'a ravi ! bises et belle fin de semaine

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  4. Il faut dire que rien n'incitait à sortir... :)
    Je serais restée aussi chez moi.
    Merci pour le partage, Jeanne.
    Bises et douce journée.

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    1. même quand il fait beau il m'arrive souvent de préférer le cocon de ma maison à toute autre sortie. Tout dépend aussi de ce qui nous fait rester dans la coquille. Il est bon aussi de voir des gens bienveillants bises et belle soirée

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    2. C'est vrai...
      Ils aident à sortir de notre coquille, surtout lorsque le moral est bas.
      Merci pour tes mots, Jeanne.
      Bisous et douce journée.

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  5. Ah oui le rapprochement avec la chanson de Bénabar est tres bien vu . Il est vraiment génial ce poème de Théophile Gautier , avec cette petite touche d'humour que j'aime et cette richesse dans l'observation de ce qui l'entoure.
    Bonne journée
    Bises

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    1. autres temps autres distractions, lecture et musique, télé et pizza, et pour les deux couette et oreiller ... bises

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  6. Un très bon choix pour répondre à ce thème et ce titre, Jeanne ! Bravo ! Un poème que je découvre grâce à toi !
    Bonne soirée,
    Bises♥

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    1. je l'ai découvert récemment. Sans doute pas assez convenable pour être étudié en classe alors qu'il fallait nous apprendre à accepter les convenances ... bises

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  7. Excellent la mise en parallèle de Théophile Gautier et Bénabar... Quand on ne veut pas y aller, on ne veut pas y aller et c'est bon de l'exprimer !

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    1. Et sans doute que Bénabar en écrivant sa chanson avait plus de culture que moi et connaissait ce poème !

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  8. J'apprécie particulièrement ce poème. Il est vivant et touchant. Je note de relire ses poèmes. Bises

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    1. Ah j'ai aussi ma liste de relecture. Mais le temps laisse peu de temps à la touche arrière ... bises

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  9. J'avais appris une partie de ce poème à l'école. Souvenirs ...

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    1. Bravo, on était moderne chez toi ! bises (voir ma réponse à colette)

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  10. Hé hé, Jeanne, je pensais justement à la chanson de Bénabar en lisant ce magnifique poème de Théophile Gautier. Génial choix, merci beaucoup, bisous.

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    1. Tu as l'esprit mieux huilé que le mien, je n'ai pas eu le déclic immédiatement. bises

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  11. Bonjour Jeanne,

    Quel beau poème! Si vivant! Cela sent le vécu.
    J'avoue qu'il m'est arrivé de ressentir la même chose. De ne pas avoir envie de sortir dans la pluie et le froid... et pourtant... parfois il faut se forcer.
    Bises

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  12. Merci de cette réédition. il jouit de l'instant présent plus en observant quand y participant. J'aime beaucoup ce poème. Bon weekend et à lundi

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    1. je ne sais pas quelle fausse manip j'ai fait pour qu'il y ait un nouvel avis de publication bises

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