Petit apparté : Domi nous a rappelé dans sa news de récap que
c'est lilousoleil qui lance le prochain défi lundi prochain sur son blog.
Tristan Tzara, une piqûre de rappel par Fanfan qui a tenté dans la bonne humeur de nous emmener l'espace d'un défi sur les traces du mouvement dada.
Tristan Tzara, un immense poète, oublié comme tant de ce vingtième siècle.
Mais dont, je dois le reconnaître, je ne connaissais pas grand chose de sa poésie.
Vous me connaissez. J'ai eu envie d'en savoir plus.
Recherche fructueuse puisque j'ai trouvé en accès libre ce portrait fouillé de Philippe Lançon dans un article de Libération du 29 décembre 2011 : Tristan Tzara sur son dada
Et puis cette pépite, un peu longue, c'est vrai, qui demande un peu plus de six minutes d'écoute.
Ce poème résonne en moi comme le glas de l'air du temps, un glas qui rirait, un poème intemporel.
En voici le texte :
Tristan
Tzara, l'homme approximatif (extrait)
I
dimanche
lourd couvercle sur le bouillonnement du sang
hebdomadaire
poids accroupi sur ses muscles
tombé
à l'intérieur de soi-même retrouvé
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
sonnez
cloches sans raison et nous aussi
nous
nous réjouirons au bruit des chaînes
que
nous ferons sonner en nous avec les cloches
quel
est ce langage qui nous fouette nous sursautons dans la lumière
nos
nerfs sont des fouets entre les mains du temps
et
le doute vient avec une seule aile incolore
se
vissant se comprimant s'écrasant en nous
comme
le papier froissé de l'emballage défait
cadeau
d'un autre âge aux glissements des poissons d'amertume
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
les
yeux des fruits nous regardent attentivement
et
toutes nos actions sont contrôlées il n'y a rien de caché
l'eau
de la rivière a tant lavé son lit
elle
emporte les doux fils des regards qui ont traîné
aux
pieds des murs dans les bars léché des vies
alléché
les faibles lié des tentations tari des extases
creusé
au fond des vieilles variantes
et
délié les sources des larmes prisonnières
les
sources asservies aux quotidiens étouffements
les
regards qui prennent avec des mains desséchées
le
clair produit du jour ou l'ombrageuse apparition
qui
donnent la soucieuse richesse du sourire
vissée
comme une fleur à la boutonnière du matin
ceux
qui demandent le repos ou la volupté
les
touchers d'électriques vibrations les sursauts
les
aventures le feu la certitude ou l'esclavage
les
regards qui ont rampé le long des discrètes tourmentes
usés
les pavés des villes et expié maintes bassesses dans les aumônes
se
suivent serrés autour des rubans d'eau
et
coulent vers les mers en emportant sur leur passage
les
humaines ordures et leurs mirages
l'eau
de la rivière a tant lavé son lit
que
même la lumière glisse sur l'onde lisse
et
tombe au fond avec le lourd éclat des pierres
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
les
soucis que nous portons avec nous
qui
sont nos vêtements intérieurs
que
nous mettons tous les matins
que
la nuit défait avec des mains de rêve
ornés
d'inutiles rebus métalliques
purifiés
dans le bain des paysages circulaires
dans
les villes préparées au carnage au sacrifice
près
des mers aux balayements de perspectives
sur
les montagnes aux inquiètes sévérités
dans
les villages aux douloureuses nonchalances
la
main pesante sur la tête
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous
partons avec les départs arrivons avec les arrivées
partons
avec les arrivées arrivons quand les autres partent
sans
raison un peu secs un peu durs sévères
pain
nourriture plus de pain qui accompagne
la
chanson savoureuse sur la gamme de la langue
les
couleurs déposent leur poids et pensent
et
pensent ou crient et restent et se nourrissent
de
fruits légers comme la fumée planent
qui
pense à la chaleur que tisse la parole
autour
de son noyau le rêve qu'on appelle nous
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous
marchons pour échapper au fourmillement des routes
avec
un flacon de paysage une maladie une seule
une
seule maladie que nous cultivons la mort
je
sais que je porte la mélodie en moi et n'en ai pas peur
je
porte la mort et si je meurs c'est la mort
qui
me portera dans ses bras imperceptibles
fins
et légers comme l'odeur de l'herbe maigre
fins
et légers comme le départ sans cause
sans
amertume sans dettes sans regret sans
les
cloches sonnent sans raison et nous aussi
pourquoi
chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne
sonnez
cloches sans raison et nous aussi
nous
ferons sonner en nous les verres cassés
les
monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies
les
débris des fêtes éclatées en rire et en tempête
aux
portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres
les
tombes d'air les moulins broyant les os arctiques
ces
fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et
crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu
je
parle de qui parle qui parle je suis seul
je
ne suis qu'un petit bruit j'ai plusieurs bruit en moi
un
bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide
aux
pieds des hommes pressés courant avec leur morts autour de la mort
qui étend ses bras
sur
le cadran de l'heure seule vivante au soleil
le
souffle obscur de la nuit s'épaissit
et
le long des veines chantent les flûtes marines
transposées
sur les octaves des couches de diverses existences
les
vies se répètent à l'infini jusqu'à la maigreur atomique
et
en haut si haut que nous ne pouvons pas voir avec ces vies à côtés
que nous ne voyons pas
l'ultra-violet
de tant de voies parallèles
celles
qui nous aurions pu prendre
celles
par lesquelles nous aurions pu ne pas venir au monde
ou
en être déjà partis depuis longtemps si longtemps
qu'on
aurait oublié et l'époque et la terre qui nous aurait sucé la
chair
sels
et métaux liquides limpides au fond des puits
je
pense à la chaleur que tisse la parole
autour
de son noyau le rêve qu'on appelle nous
Tristan
Tzara (1896-1963), paru en 1931
tombe de Tristan Tzara au cimetière de Montparnasse, Paris, France |
Merci Jeanne... Ca c'est de l'écrit !!! Bon dimanche, bises de JB
RépondreSupprimerMerci d'avoir ramené ce grand poète à nos mémoire, je cherchais un texte à lire pour une journée de la dette, le 11 juin, ce sera lui. Encore merci Jeanne.
RépondreSupprimertu m'en vois pas peu fière d'avoir apporter ma petite contribution. Démarche pourtant que je n'aurais pas faite sans le défi des croqueurs de mots de fanfan qui elle-même a repris l'idée de Josette sur un autre défi d'un monde à l'envers.
SupprimerUne question : C'est quoi la journée de la dette, du 11 juin ?
et merci merci
C'est une démarche intéressante mais ce n'est pas beau à lire. Non, vraiment le dadaïsme, c'est pas mon dada! ;-))
RépondreSupprimerC'est pour cela que j'ai mis le lien le poème dit sur un montage sonore en premier. L'as-tu écouté ?
SupprimerLes pièces de théâtre non plus (y compris les tirades) ne sont pas les textes les plus agréables à lire.
Je ne sais pas où tu as cru voir une "news de recap" qui annoncerait le prochain défi sur le blog de Lilou, mais il n'y a rien sur le blog des croqueurs. Je viens d'y retourner pour vérifier.
RépondreSupprimerdans la newsletter de dimdamdom du 22/05 "Et bien voilà chers amis Croqueurs ma façon de vous dire qu'ici se termine le défi dadaïste mené par notre amie Fanfan.
SupprimerEn gros je vous tire ma révérence jusqu'à lundi pour le nouveau défi qui sera mené cette fois par notre amie Lilousoleil.
Que j'éteins ma bougie allumée ..."
mais pour le moment il n'y a rien sur le blog de lilou. Il est tôt.
bises et belle journée
Je confirme c'est Lilou... mais le tableau des Croqueurs n'étant pas à jour !!!!! Et si la capitaine de service ne se pointe pas en plus... mal barré tout ça, dommage !! Bises de JB
Supprimerça y est pas de panique le défi est paru sur le blog de lilou fallait pas ouvrir l’œil mes les zoreilles ... bises et à bientôt
Supprimermerci d'avoir été cherché plus loin.
RépondreSupprimerEn ce moment je découvre Sergueï Essenine dont l'écriture me touche (un peu un petit frère de Rimbaud)
bises
Il a un style bien à lui . Je commence à comprendre pourquoi il aimait le dadaïsme . ! Merci pour ce rappel ! Bises
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