en hommage à Manu Di Bango
C'était un jardin extraordinaire,
immense dans ses yeux de petite fille de cinq ans.Le mur lisse qui
séparait la cour goudronnée du jardin voisin dérobait d'abord au
regard le poulailler et la volière aux pigeons, une partie du verger
herbeux et la porte de tous ses rêves.
Il avait rejoint son amoureuse dans la
ruelle à l'abri des regards derrière le poteau électrique et en
deçà du coude qui les protégeait de la rue basse.
De l'autre côté s'épanouissait un
grand potager et une remise ouverte abritant les outils et les
clapiers. Le long des hauts murs s'étalaient des rosiers au-dessus
des groseilliers, des framboisiers et des cassis.
Au milieu, pommiers et cerisiers
échelonnaient leurs généreuse floraison avant l'offrande de leurs
fruits. Dès juin les juteux bigarreaux puis les griottes pour les
tartes et les confitures, enfin les montmorency roses et blanches
même mûres pour des fruits à l'eau de vie réservés aux adultes
dans de bien jolis bocaux.
Mais le paradis de la fillette ne lui
suffisait pas et elle se donnait la permission de promener son chien,
un petit ratier comme Milou mais à la robe grise et beige. La sente
pierreuse et escarpée ne faisait guère plus d'une centaine de
mètres et elle ne s'échappait jamais plus de quelques minutes qui
lui semblaient être le début du bout de son monde.
Quand la petite fille avait ouvert la
porte dérobée pour sa fugue ce jour-là, les amoureux s'étaient
trouvés tout bêtes. Mais elle avait souri, refermé discrètement
la porte et renoncé à sa promenade. La corête sur le déclin
faisait encore mille petites boules jaunes comme des étoiles et le
seringa, dans sa blancheur immaculée, saturait l'air de son puissant
parfum.
Longtemps après, en écoutant la
biographie de Manu Dibango, la fillette devenue femme se plaisait à
imaginer qu'elle avait peut-être surpris l'artiste en devenir, venu
dans le coin participer à l'animation d'un bal de village comme il
le faisait alors. Après tout, ils n'étaient pas si loin de Saint
Calais et son hôte avait de la famille dans le coin. Avait-il même
et pourquoi pas, déjà tenté, sinon réussi à faire graver et
presser un 45tours chez Decca ?
Tourtereaux d'un jour
promesse d'une grande histoire ?
Ils vivaient l'instant
Du jardin leur parvenaient
roucoulades et fragrances.
©Jeanne Fadosi, mercredi 25 mars2020
pour l'herbier de poésies 161
à découvrir à partir de vendredi et au fil des jours
avec les autres brins sur la page 161 de L'Herbier
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Manu Dibango, 12 décembre 1933 - 24 mars 2020, saxophoniste et chanteur camerounais mondialement connu, mort des suites du coronavirus responsable d'une pandémie en 2019-2020
Annonce Le Monde
Manu Dibango, dans les coulisses de ma vie
annonce Ouest France
Une belle histoire Jeanne, on est mieux à grandir dans un coin de nature, que dans les rues de la ville, pas les mêmes souvenirs, merci JB
RépondreSupprimerBravo pour ton texte superbe sur ce beau tableau. Bisous
RépondreSupprimerTon récit est un magnifique hommage... merci, Jeanne.
RépondreSupprimerJ'ai aimé, énormément.
Un grand artiste disparaît... hélas.
Mais sa musique restera.
Passe une douce journée. Merci pour tout.
Un très bel hommage à ce grand artiste. Merci Jeanne.
RépondreSupprimerBises, bon vendredi, prends de soin de toi
Un grand artiste victime du virus . Un fin de vie triste . Nous avons eu de la neige ;l'hiver est encore là! Bonne journée"
RépondreSupprimerQue de portes ouvertes
RépondreSupprimeraux jardins de nos enfances
gravés comme bonheur à cœur
Quel bel hommage !
C'est tout à fait super, Jeanne ! Bravo !
RépondreSupprimerDouce soirée,
Bises♥
Des personnes connues de nous tous qui partent à cause de ce satané virus, ça fait encore plus mal au coeur. Dans ton histoire, un jardin comme on n'en voit plus beaucoup. Le plus souvent, les nouveaux jardins sont faits de pelouse, de fleurs, mais rarement d'arbres ou arbustes fruitiers que tu nommes ici.
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