L'offrande à la nature
Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n'aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L'eau luisante et la terre où la vie a germé.
La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains.
J'ai porté vos soleils ainsi qu'une couronne
Sur mon front plein d'orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l'automne
Et j'ai pleuré d'amour aux bras de vos étés.
Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d'animal.
Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon coeur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.
Soumise ainsi que l'onde où l'arbre se reflète,
J'ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.
Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature.
Ah ! faut-il que mes yeux s'emplissent d'ombre un jour,
Et que j'aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l'amour ...
Anna de Noailles, Le coeur innombrable, 1901*
Anna de Noailles, 1876 - 1933
* Le coeur innombrable a été lu en lecture publique dès 1901 par la grande Sarah Bernhardt
Je l'avais mis en ligne pour illustrer l'alphabet en poésie que j'avais égrené pendant l'été 2012, assorti de ce préambule :
Cela aurait pu être N comme naître ou naissance, tel ce magnifique poème que Robinson avait écrit pour La petite fabrique d'écriture, A l'aube de l'humanité :
noN, ON n'existe pas, noM, une parcelle d'identité.
Nommer, c'est reconnaître, re-con-naître (re : encore, con (cum) : avec)
Ou N comme nourrir ou nourrice ou nourriture ... pour que naissance nommée ou non se prolonge ...
nourriture, cueillette nourrie du sein sauvage de la nature brute ou moissons et glanages d'une nature cultivée, humanisée ...
dénaturéeparfoissi souvent (maj du 25 avril 2017) ...
Ah finir au pays sans vent et sans verdure...plus que le noir de la tombe, tout quitter, vie famille amis et la terre aux merveilles, que c'est dur...Merci Jeanne !! Bises
RépondreSupprimerQuel bel alexandrin. Beau jeudi
RépondreSupprimerMerci pour la relecture de ce très beau poème plein d'allégories, je lavais oublié Jeanne, je te souhaite une très bonne journée
RépondreSupprimerUn magnifique poème d'Anna de Noailles mis à l'honneur ... que la nature est belle Jeanne.
RépondreSupprimerBises et bon jeudi
Vivre en harmonie avec la nature, la plus belle des sagesses !
RépondreSupprimerUne offrande à savourer , merci de l'avoir partagée à nouveau .
RépondreSupprimerBonne journée
Bisous
c'est toujours un plaisir que de lire ou relire Anna de Noailles
RépondreSupprimerBonjour Jeanne. Un plaisir de relire Anna de Noailles et chez toi ce sublime poème, merci beaucoup. Je regrette de ne pas avoir le temps d'aller explorer ton autre lien, juste un coup d'oeil. Gros bisous.
RépondreSupprimerUn très beau poème que tu me permet de découvrir.Merci. Bisousss
RépondreSupprimerUn bel hymne à la nature; c'est un très beau poème qu'on lit avec plaisir . Bises
RépondreSupprimerComme toujours, tes poèmes préférés ne viennent jamais seuls.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton préambule de 2012 et sa mise à jour. :)