Elles étaient toutes là les filles et les femmes de, fières d'avoir répondu en nombre à son appel.
Au centre du cercle une montagne d'outils et de matières premières, du moins ce qui était transportable :
le faucard de la femme du meunier du moulin de Mondion, le fentoir de la fille du coupeur de jonc, le poinçon pour marquer les bêtes à la ferrade, un peu de fétuque avec l'osier du vannier, les navettes de la femme et des filles du ferrandinier, les grands fléaux pour battre le chanvre ...
Mais pas l'imposant métier à tisser resté à l'atelier ... La "filleule"du vétérinaire se portait fidéjusseur des tisserandes et en retour elles attestaient qu'elle avait bien attrapé un filaire, unissant leurs voix à celles des filles du filetoupier. La "clandé du véto" comme elles l'appelaient familièrement travaillait la nuit pour son parrain sur d'étranges bestioles fissipèdes. Point de fausset, tout ce qui concernait le vin et les tonneaux était exclusivement affaire d'hommes. Mais la flette de la Jeanne, (pas la traîtresse arrière petite petite fille à l'arc, mais celle du capitaine des Copains d'abord), était attachée à la berge depuis qu'elle avait repris la charge de son défunt mari. Elle avait su s'imposer dans ce monde d'hommes et aux joutes fluviales, elle ne se laissait pas forlonger par les plus habiles d'entre eux.
Ce soir, elles avaient reculé pour la bonne cause l'heure où elles se laisseraient tomber exténuées de sommeil après une journée de labeur précédée et prolongée des tâches domestiques, sur leur modeste fonçaille ou dans leur moelleuse literie de soie.
Pour la bonne cause mais laquelle ? Réclamer des droits égaux à leurs hommes pour qui elles besognaient dur pendant qu'ils se réunissaient au troquet ou au mess ? Porter au moins les jours de canicule une jupe courte comme la fustanelle des notables les jours de fête ?
En ces heures graves qui mettraient les territoires à feu et à sang, elles étaient venues relever le défi de Lilie, alias Lysistrata :
« Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris ».
Aristophane, Lysistrata, comédie grecque antique, 411 avant JC
image trouvée sur le blog de lilousoleil, captain de logorallye des CROQUEURS DE MOTS |
Lysistrata, comédie grecque du Ve siècle avant JC de Aristophane, où l'auteur met en scène des femmes qui se révoltent contre la domination masculine
Clin d’œil musical : Hubert-Félix Thieffaine, La filles du coupeur de joints, 1984
Glossaire des mots du logorallye de Lilousoleil :
faucard : instrument de coup fait de plusieurs lames articulées utilisé pour les herbes aquatiques
fentoir : large couperet à l’usage des bouchers
ferrade : marquage des bœufs au fer rouge
fétuque : une graminée des prairies
ferrandinier : fabricant d’étoffe de soir
fidéjusseur : celui qui se porte caution pour autrui
filaire : ver parasite d’Afrique tropicale de l’homme et de divers animaux
filetoupier : batteur de chanvre
fissipède : qui a le pied divisé en plusieurs doigts
fausset : broche de bois pour boucher un troi fait au foret dans un tonneau
flette ; petite chaloupe au service d’un chaland (péniche) de rivière
forlonger : distancer, laisser en arrière
fonçaille : planche surpportant la paillasse dans une lit sans sommier
fustanelle : petite jupe évasée et plissée qui fait partie du costume masculin traditionnel des Grecs
* pour une définition du logorallye, déjà proposé aux Croqueurs de mots n'en déplaise à Lilou et devinez par qui ? Clic --->
Chapeau Jeanne ! De sacrées bonnes femmes ! Merci, bises de jill
RépondreSupprimerBravo Jeanne, il fallait les placer tous ces mots. Perso j'ai eu du mal mais je me suis bien amusée.
RépondreSupprimerBises et bon début de semaine
Un grand bravo ! Ton texte est beau et fort, tu as magnifiquement relevé le chalenge !
RépondreSupprimer(faute de temps j'ai tourné le tout en un paquet d'humour!)
Bravo, Jeanne, exaltant et poignant récit sur fond historique avec un zeste d'humour ! Eh oui, nous avons déjà relevé un défi logorallye et ce fut bien amusant aussi. Gros bisous.
RépondreSupprimerUn beau texte qui raconte la vie d'autrefois , de ces femmes courageuses .j'aime bien la fin .
RépondreSupprimerBONNE SEMAINE.BISES
les femmes n'ont pas attendu le XXI ème siècle pour se faire entendre !
RépondreSupprimerdéfi parfait Jeanne ...
Bravo un texte superbe et une cause qui l'est bien tout autant
RépondreSupprimerBonne soirée
Bisous
Nous les femmes avons autant d'énergie et d'endurance que ces messieurs. Bravo Jeanne de les (nous) avoir mis à l'honneur de belle manière, merci !
RépondreSupprimerIl fallait le faire et tu l'as fait. Des mots désuet mis dans un contexte toujours d'actualité.
RépondreSupprimerBisous Jeanne
Bravo Jeanne! Pas évident ce défi et tu l'as relevé haut la main! Chloé
RépondreSupprimerWaouuuh ! un texte magnifique avec une fin épatante ! vraiment bcp aimé !
RépondreSupprimerBravo Jeanne
Bises