Pour le défi n°180 des CROQUEURS DE MOTS Jill Bill, depuis son bateau-château, nous convie à écrire sur une drôle de maison du bonheur et comme tout est affaire de goûts et de couleurs, les fils conducteurs des jeudis poésie (facultatifs) sont "beauté" puis "laideur".
J'écrivais pour jeudi dernier que des mots dans ma tête sont comme des boutons-mémoire à bribes de poésie ... laideur ... crapaud ...
Heureux crapaud !...Tu n’as pas d’étoile jaune.Par acquis de conscience je requière dans gouguel poésie + laideur. L'une des premières occurrences me donne un lien de compilation sur le thème de la laideur en poésie et parmi les propositions le crapaud cité deux fois, vu par Tristan Corbière et vu par Victor Hugo
Max Jacob, L'amour du prochain, Drancy, 1944
Le crapaud
Un chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
... Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif...
- Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...
- Un crapaud! - Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... - Horreur ! -
... Il chante. - Horreur !! - Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière...
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
......................................................................
Bonsoir-ce crapaud-là c'est moi.
(Ce soir, 20 Juillet.)
Tristan CORBIÈRE, « Le crapaud », Les Amours jaunes, 1873
Le Crapaud (début)
Que savons-nous ? qui donc connaît le fond des choses ?[...]
Le couchant rayonnait dans les nuages roses ;
C’était la fin d’un jour d’orage, et l’occident
Changeait l’ondée en flamme en son brasier ardent ;
Près d’une ornière, au bord d’une flaque de pluie,
Un crapaud regardait le ciel, bête éblouie ;
Grave, il songeait ; l’horreur contemplait la splendeur.
(Oh ! pourquoi la souffrance et pourquoi la laideur ?
Hélas ! le bas-empire est couvert d’Augustules,
Les Césars de forfaits, les crapauds de pustules,
Comme le pré de fleurs et le ciel de soleils !)
Les feuilles s’empourpraient dans les arbres vermeils ;
L’eau miroitait, mêlée à l’herbe, dans l’ornière ;
Le soir se déployait ainsi qu’une bannière ;
L’oiseau baissait la voix dans le jour affaibli ;
Tout s’apaisait, dans l’air, sur l’onde ; et, plein d’oubli,
Le crapaud, sans effroi, sans honte, sans colère,
Doux, regardait la grande auréole solaire ;
Peut-être le maudit se sentait-il béni,
Pas de bête qui n’ait un reflet d’infini ;
Pas de prunelle abjecte et vile que ne touche
L’éclair d’en haut, parfois tendre et parfois farouche ;
Pas de monstre chétif, louche, impur, chassieux,
Qui n’ait l’immensité des astres dans les yeux.
Victor Hugo, Le Crapaud*, La légende des siècles, 26-29 mai 1858.Texte intégral de Le Crapaud, de Victor Hugo Clic ---> (juste avant ou juste après celui-ci)
Tristan Corbière, 1845 - 1875, poète français
Victor Hugo, 1802 - 1885, poète, prosateur et dramaturge français
Weblettres : le thème de la laideur
Mon préféré le dernier. Je ne trouve pas que le crapaud est laid comme quoi la beauté est subjective. Bon week-end et à lundi.
RépondreSupprimerL'un et l'autre poème sont beaux.
RépondreSupprimerDans celui de Hugo, le poète est celui qui écrit l'histoire, dans le second, le poète se compare au crapaud, s'identifie à lui.
J'ai beaucoup aimé lire les deux.
Je ne connaissais pas la citation de Max Jacob.
Merci pour toutes tes découvertes, Jeanne.
Bises et douce journée.
bravo Mr Hugo, bien belle poésie- le pauvre crapaud s'il n’est pas beau n'est pas plus méchant pour autant- Moche mais pas bête non plus- on apprécie trop à l’apparence---et ce n’est pas prêt de changer-
RépondreSupprimerbisous et belle journée-
Bonjour Jeanne,
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas celui de Tristan Corbière, que je découvre donc grâce à toi, mais celui de Victor Hugo me rappelle toute époque, quand notamment, après l'avoir étudié (il faisait partie de la liste des poèmes pour mon oral de français au bac), et alors que je commençais à m'aventurer dans la composition musicale, je l'avais mis en musique. Plus exactement, certaines parties étaient chantées, d'autres juste récitées (il faut dire qu'il est long ce poème, le morceau durait plus de 6 min). Je l'avais même enregistré sur une cassette, que... j'ai perdue depuis !!! :(
Mais relire ces vers ici, aujourd'hui (alors que je ne les avais plus relus depuis des années) m'a fait quelque chose. Merci pour cela.
Beau weekend.
FP
Chacun voit la laideur et la beauté à sa façon. On peut trouver de la beauté dans la laideur et de la laideur dans la beauté .
RépondreSupprimerMais le pauvre crapaud fait l'unanimité !
Je ne connaissais pas ces poèmes. Victor Hugo a été longuement inspiré; mais ils me touchent .
Bon week end