On vous a servi une boisson qui vous a statufié sur un banc public !
Racontez ce que vous voyez ou entendez ou même ce qui se passe dans votre tête... pour retrouver la réalité
Me voici figé
Et avec les premiers froids
bientôt congelé.
Pas de place pour les dormeurs
pas de charité aux pauvres
Me voici figé
pour l'éternité
A quoi voulez-vous penser ?
Pas de place pour la pensée,
Surtout s'étonner de rien.
Andersen par José Maria Cordoba |
Il s'était reposé un instant en traversant le parc, avait relu quelques pages, marqué les exemples qui illustreraient le thème de sa conférence sur le rien, seul sujet qui échappait encore en ces temps troubles à la censure. Il avait un instant refermé le livre de Pessoa, le temps d'avaler une gorgée de la fiole que lui avait tantôt vendue une diseuse de bonne aventure et de sentir sur sa peau la caresse du vent.
Je ne pense à rien,
Et cette chose centrale, qui n’est rien,
M’est agréable comme l’air de la nuit,
Frais en contraste avec le jour caniculaire.
Je ne pense à rien, et que c’est bon !
Ne penser à rien,
C’est avoir une âme à soi et intégrale.
Ne penser à rien,
C’est vivre intimement
Le flux et le reflux de la vie…
Je ne pense à rien.
C’est comme si je m’étais appuyé
Dans une fausse posture.
Un mal aux reins, ou d’un côté des reins,
Mon âme a la bouche amère :
C’est que, tout bien compté,
Je ne pense à rien,
Mais vraiment à rien,
À rien…
Fernando Pessoa, 6 juillet 1935 - traduction Armand Guibert
Et pour les lusophones, (ce n'est pas mon cas), la version originale du poème, publié avec d'autres sous le nom de Álvaro de Campos
Não Estou Pensando em Nada
Não estou pensando em nada
E essa coisa central, que é coisa nenhuma,
É-me agradável como o ar da noite,
Fresco em contraste com o verão quente do dia,
Não estou pensando em nada, e que bom!
Pensar em nada
É ter a alma própria e inteira.
Pensar em nada
É viver intimamente
O fluxo e o refluxo da vida...
Não estou pensando em nada.
E como se me tivesse encostado mal.
Uma dor nas costas, ou num lado das costas,
Há um amargo de boca na minha alma:
É que, no fim de contas,
Não estou pensando em nada,
Mas realmente em nada,
Em nada...
Álvaro de Campos, in "Poemas" Heterónimo de Fernando Pessoa, 1935, source Clic
Lisbonne, statue de Fernando Pessoa |
Fernando Pessoa, écrivain et poète portugais trilingue, 1888 - 1935
Poèmes d'Alvaro de Campos par Fernando Pessoa
et ces petites fantaisies que j'ai commis ça et là sur mon blog sur le rien
petite annonce ; rien ; variations sur le rien en poésie
et pour la statue proposée en support de défi, merci à Lénaïg d'avoir éclairé ma lanterne. Info ici --->
J'aime bien ton poème. C'est une bonne idée d'avoir rajouté le poème de Pessoa qui est très adapté à cet homme statufié. Belle semaine.
RépondreSupprimerQuand on est un personnage connu on risque de se voir statufier un jour, un honneur en quelque sorte, mais qu'en pense la statue du dit homme ou femme célèbre avec le temps... à voir son air triste ici... peut-être un peu marre de sa pose ! Merci Jeanne, bises
RépondreSupprimerC'est un poème que j'avais lu en première année de licence, et qui m'avait fait aimer le portugais.
RépondreSupprimerJ'adore Pessoa, et en particulier les poèmes qu'il a publiés sous le nom d'Alvaro de Campos.
J'adore l'idée qu'il a eue de donner à chacun de ses hétéronymes un style et donc des émotions différentes pour le lecteur.
Je crois que tu as raison, quand on est statufié ainsi, il ne faut s'étonner de rien, car personne ne fait attention à cet homme et à ce qu'il pourrai penser.
Heureusement que Josette était là pour lancer ce défi. J'ai beaucoup aimé chaque page lue.
Passe une douce journée. Bises.
Bonjour Jeanne, bravo et merci beaucoup, j'aime bien ce fondu-enchaîné de la statue d'Andersen à Malaga à celle de Fernando Pessoa à Lisbonne et j'aime bien aussi ce RIEN qui englobe TOUT ;))). Gros bisous.
RépondreSupprimerah merci d'avoir éclairé ma lanterne. cette statue m'intriguait mais je n'ai pas su trouver la bonne requête pour savoir qui elle représentait. Bises
Supprimerune très belle illustration du thème Jeanne et bravo pour le renvoi à Pessoa ...
RépondreSupprimermerci pour ce poème, je connais plus le "romancier" et je note ce texte qui trouve tant d'écho encore aujourd'hui
bonne journée
Il ne pense à rien, son esprit est aussi figé que son corps cela l'empêche de trouver le temps long :-)))
RépondreSupprimerj'aime beaucoup et ton texte et Pessoa. Ne penser à rien, fait beaucoup de bien, surtout quand cela ne va pas. Bises
RépondreSupprimerCe n'est pas facile de ne penser à rien . Il n'a pas la vie rose ce pauvre homme ; toujours se méfier des boissons inconnues!
RépondreSupprimerJe me demande toujours comment est-il possible de ne penser à rien ;)
RépondreSupprimerParfois j'aimerais que ma tête s'oublie ....
Merci pour ce partage, tu as raison de dire que ce défi nous a donné envie de convoquer des poètes en tout genre ;)
Bisous.
Domi.
J'aime beaucoup la manière dont tu as appréhendé ce thème Jeanne et également le poème que tu as choisi pour l'illustrer, que je ne connaissais pas d'ailleurs et qui me parle bien, car j'aime ces moments où on s'abandonne complètement sans penser à rien" vivre intimement le flux et le reflux de la vie" . Merci à toi. Chloé
SupprimerTon poème est très bien pensé et écrit,
Supprimerj'ai beaucoup aimé.
Comment une statue pourrait elle penser ce qu'elle a oublié de son vivant.
Le poème Pessoa est magnifique et s'allie très bien à cette statue.
Tu m'as donné envie de connaitre Josette et tous les texte qu'elle a reçu pour ce thème.
Bonne soirée
Bises
Maryse