Telle est la phrase clé du capitaine Durgalola pour sa consigne du défi n°165 des CROQUEURS DE MOTS :
En 30 lignes maxi, dites à quelqu’un que vous aimez ... quelque chose …
Et comme unique contrainte, mentionner le nom d’une fleur.
Préambule (à ne pas compter dans les trente lignes) :
Je ne vous étonnerai guère si je vous dis que ce sujet m'est difficile. Pas à comprendre, non. Mais ce que j'ai envie de dire à ceux que j'aime, je n'ai pas envie de l'exposer aux yeux des internautes. Question d'intime entre eux et moi. surtout aux vivants.Même si ainsi je me prive de dire, de leur dire.
Voici pourtant la réédition de ce texte écrit pour les Croqueurs pilotés par Fanfan en 2013, où la dernière phrase, que j'ai gardée, était imposée. Il m'a aussi fallu élaguer pour obtenir les trente lignes maxi, tout en rajoutant un souvenir introduisant un nom de fleur.
Je me souviens de la joie dans la maison quand mon père et ma mère, à la fin d'un repas de fête, se mettaient à chanter en chœur le célèbre duo de l'opérette Rose-Marie1 (Chant indien en français)
Je me souviens des étoiles dans les yeux de ma mère lorsqu'elle évoquait la sienne, perdue trop tôt à l'aube de son adolescence.
Je me souviens du brin de muguet séché qu'elle m'envoyait tous les 1er mai.
Je me souviens du voile qui ombrait fugacement ceux d'une de mes tantes lorsque je lui demandais avec la cruauté ingénue de mes sept ans pourquoi elle n'avait pas d'enfant.
Je me souviens de cette autre tante, adorable avec sa nièce de trois pommes, arborant fièrement son célibat en insistant sur le mademoiselle à l'âge où on lui servait du madame par déférence.
Je me souviens de cette réfugiée cambodgienne, me disant sa sérénité en contemplant le fil de l'eau, alors que nous promenions mon dernier-né après la leçon de piano qu'elle venait me donner depuis Paris pour survivre.
Je me souviens du ton atone pour me dire sa vie d'avant, sa mère au pays, son terrible exil.
Je me souviens dans une salle d'attente de l'hôpital des enfants malades, cette mère déroulant délicatement les bandes des bien trop petits pieds de sa petite fille , sous l’œil réprobateur du père, jusqu'à la peau à la limite de la nécrose, comme pour témoigner devant le monde ... Ce n'était pas au début du XXème siècle et en Chine, mais en 1982, en France2.
Je me souviens de cette femme lasse dans le RER, dégustant un yaourt en se servant du couvercle comme d'une cuillère.
Je me souviens, tenant ma toute petite, mon aînée dans les bras pour la première fois, d'avoir oublié les heures précédentes, et même d'avoir oublié que j'avais pensé, au plus fort de cette attente difficile et douloureuse : "mais qu'est-ce que je f... dans cette galère ?"
Pour toi maman qui est dans nos cœurs, pour toi ma fille, pour vous mes fils.
1 Rose-Marie, opérette américaine créée à Broadway en 1924
2 voir pieds bandés (article de wikipedia) ou ce dossier - les pieds bandés, fort bien documenté relayé par Télérama ou celui-ci aux photos saisissantes (attention elles peuvent choquer) ou encore cette traduction du témoignage d'une vieille femme ou cet article de blog du journal de Chrys
L'indifférence, paroles de Maurice Vidalin, musique de Gilbert Bécaud, ici par Cyrille Gallais et Annie Cordy pour ce clip si émouvant
C'est émouvant Jeanne, on a qu'une famille, on se doit de les aimer... et quand ils partent les plus vieux que c'est douloureux !! Bises
RépondreSupprimerLe chemin de la vie est un chemin dans un jardin secret dans lequel tout ne peut pas être dévoilé, merci pour ce beau témoignage des émotions qui peuvent se dire...
RépondreSupprimerQue d'émotion dans ton texte Jeanne. Bravo !
RépondreSupprimerBises et bon début de semaine - ZAZA
c'est très beau, Jeanne....et tous ces mots qu'on n'aura pas su dire, aurons nous su mieux les écrire?qu'il en reste quelque chose qui s'appelle humanité?
RépondreSupprimerUn texte magnifique qui m'a mis les larmes aux yeux . Des souvenirs très forts en émotions.
RépondreSupprimerTrès émouvants souvenirs qui m'ont beaucoup touchée. Je viens te faire une courte visite interrompant pour un instant ma pause à durée indéterminée pour raisons de santé.
RépondreSupprimeron se souvient de n'avoir pas oser dire je t'aime...
RépondreSupprimerMagnifique texte, Jeanne ! Des souvenirs émouvants ... bon matin de ce mardi ! Bises♥
RépondreSupprimerMerci beaucoup, Jeanne, pour ton essai si plein d'amour et d'humanité. Gros bisous.
RépondreSupprimerC'est magnifique, Jeanne.
RépondreSupprimerEn ce moment, j'ai sans doute trop à dire, alors, je me tais.
Le temps du silence passera...
Passe une douce soirée. Merci pour l'émotion ressentie.
c'est un beau texte et je te remercie pour ta participation ; tous les participants ont écrit de très beaux textes ; les coutumes anciennes ne sont pas toutes bonnes ; j'ai déjà lu des livres sur les femmes aux pieds bandés. Mais je ne savais pas qu'en 1982 cela existait encore. Bises
RépondreSupprimerUne suite d'instantanés que j'ai trouvée très émouvante. C'est tout toi cette page. Si sensible, si humaine.
RépondreSupprimerMerci Jeanne
bises
très émouvant bravo
RépondreSupprimerSuperbe texte chargé d'émotion....Bisousss
RépondreSupprimerComme ces souvenirs te font du bien, comme ils sont frais, doux et chaleureux!
RépondreSupprimerComme tu as su capturer ces instants fugaces, comme sur un appareil photo, pour les immortaliser. J'ai adoré, entre autres, le cliché de la cambodgienne qui évoque un monde lointain et plein de charme ...
RépondreSupprimerJe viens seulement de prendre connaissance de ton texte plein de sensibilité et de tendresse... tout en touches légères sur des sujets pourtant si dramatiques comme la pratique des pieds bandés qui m'a toujours fait hurler.... Merci au Ciel de ne pas être née chinoise !!!
RépondreSupprimeret merci à toi pour ton humanité avec de gros bisous