Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune de 145 en 2010 à 94 ou 103 ou 134 selon les sources en 2023

(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 15 avril 2021

La grasse matinée, de Jacques Prévert

Laura, à la manœuvre pour le défi n°249 (et non 149 comme sur son site) des CROQUEURS DE MOTS nous demande pour le jeudi poésie du 15 avril qu'il soit question de Pâques tout juste passé. Puis pour le défi du lundi 19 avril de raconter sans parler ni de Pâques, ni de la Pentecôte, ce que font des gens un lundi férié et enfin pour le jeudi suivant 22 avril qu'il soit question d'ascension religieuse ou pas. Ouf !

Vous le savez le jeudi je privilégie le partage de poésies choisies à l'exercice d'écriture mais le sujet m'inspirait des réserves sur la possibilité de trouver un poème qui sorte des connotations obligatoirement religieuses ou qui soient des comptines pleines de confiseries. J'ai donc retroussé mes manches pour puiser dans les archives de mon blog initial. J'ai même découvert que je pouvais sans trop d'efforts en faire une sorte de haibun. Vous le trouverez à Des cloches et des œufs.

Entre temps le Web m'a fait connaître Œufs de Pâques, ce poème de Marcel Pagnol que vous connaissez déjà sans doute.

Il m'a rappelé le bruit de l'œuf dur, terrible dans la tête de l'homme qui a faim, tel que le disait Jacques Prévert et le chantait Mouloudji sur la musique de Joseph Kosma

 En 3000 avant JC des fouilles ont permis de mettre en évidence que aux alentours de nos Pâques actuelles il était de coutume d'offrir des œufs, l'œuf symbole de promesse de vie.

La grasse matinée
 
Il est terrible
Le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
Il est terrible ce bruit
Quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
Elle est terrible aussi dans la tête de l'homme
La tête de l'homme qui a faim
Quand il se regarde à six heures du matin
Dans la glace du grand magasin
Une tête couleur de poussière
Ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
Dans la vitrine de chez Potin
Il s'en fout de sa tête l'homme
Il n'y pense pas
Il songe
Il imagine une autre tête
Une tête de veau par exemple
Avec une sauce de vinaigre
Ou une tête de n'importe quoi qui se mange
Et il remue doucement la mâchoire
Doucement
Et il grince des dents doucement
Car le monde se paye sa tête
Et il ne peut rien contre ce monde
Et il compte sur ses doigts un deux trois
Un deux trois
Cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
Et il a beau se répéter depuis trois jours
Ca ne peut pas durer
Ca dure
Trois jours
Trois nuits
Sans manger
Et derrière ces vitres
Ces pâtés ces bouteilles ces conserves
Poissons morts protégés par les boîtes
Boîtes protégées par les vitres
Vitres protégées par les flics
Flics protégés par la crainte
Que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
Café-crème et croissants chauds
L'homme titube
Et dans l'intérieur de sa tête
Un brouillard de mots
Un brouillard de mots
Sardines à manger
Œuf dur café-crème
Café arrosé rhum
Café-crème
Café-crème
Café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
L'assassin le vagabond lui a volé
Deux francs
Soit un café arrosé
Zéro franc soixante-dix
Deux tartines beurrées
Et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
 
Jacques Prévert, Paroles, 1946

Jacques Prévert, poète et scénariste français, 1900 - 1977
Joseph Kosma, compositeur français d'origine hongroise, 1905 - 1969

L'écouter chanté par Marianne Oswald ou Mouloudji (là je vais ressortir la platine pour écouter un vinyle qui a vu bien des fois l'aiguille du tourne-disques) ...



18 commentaires:

  1. Merci de ce partage je ne connaissais pas ce poème de préfère que pourtant j'aime beaucoup. Il est poignant. Bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela faisait longtemps que je l'avais mis en ligne
      Il est terrible, comme l'écrit Prévert et comme le dit Mouloudji sur un disque qui est usé à force d'avoir été écouté

      Supprimer
  2. Excellent choix Jeanne, et beaucoup de plaisir de relire cette poésir de Prévert.
    Bises et bon jeudi

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lire celui de Marcel Pagnol me l'a évoqué et je n'ai pas résisté à le remettre en ligne

      Supprimer
  3. De 1946... pas encore à l'euro, ce si cher euro... merci Jeanne, bises

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout est relatif. Un œuf dur coutait cher en francs de l'époque ...

      Supprimer
  4. De part et d'autre de la vitrine deux mondes qui se croisent sans se regarder, et tout l'art de Prévert pour les évoquer.

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour,je ne connaissais pas du tout ce poème de 1946 de Jacques Prévert, il est très beau et émouvant. Bonne journée à vous

    RépondreSupprimer
  6. Superbe choix, Jeanne ! Bravo !!! J'♥ beaucoup !!! Bonne poursuite de ce jeudi ! Bises♥

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci Colette. J'ai fait un pas de côté pour ce poème

      Supprimer
  7. c'est excellent d'avoir penser à l'oeuf dur de Prévert...ça me rappelle en plus Mouloudji que j'allais écouter à Bobino dans une autre vie...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu es allée l'entendre à Bobino ! ce doit être un excellent souvenir !

      Supprimer
  8. laura vanel-coytte16 avril 2021 à 18:00

    Merci pour cette belle découverte
    il ne fallait pas avoir peur de faire de la religion/tradition
    car il y en a peu...

    RépondreSupprimer
  9. Ravie de l'avoir fait découvrir. Mais non merci pour le reste

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont modérés. Merci de patienter, je ne les valide pas toujours à la minute ni même quelquefois à la journée.
Certains rencontrent des difficultés à renseigner leurs liens voire ne peuvent plus commenter du tout sur blogger (un problème irrésolu depuis des mois) : vous pouvez signer votre commentaire de votre nom ou pseudo, merci
Comments are moderated. Thank you for your patience, I don't valide them immediatly.
anonymous comments are never validated except if they are signed in the text.