Jill Bill à la manœuvre sur le navire amiral desCROQUEURS DE MOTSnous a servi une feuille de route gratinée dans les millièmes rugissants pour le défi n°242 et dès les premières consignes nous sommes au parfum :
Pour le jeudi poésie du 3-12-2020, Thème : «L’importun» ou libre sujet !
Pour le jeudi poésie du 10-12-2020, Thème : «La folie» ou libre sujet !
Pour Jill, parce que Emile Verhaeren est le grand poète belge bien trop souvent snobé de nos manuel de français en France. En son entier, parce que tout est important dans ce poème publié en 1902 et peut-être avant dans d'autres versions. Ici celle donnée par wikisource
La folie
Routes de fer vers l'horizon :Blocs de cendres, talus de schistes,Où sur les bords un agneau tristeBroute les poils d'un vieux gazon ;Départs brusques vers les banlieues,Rails qui sonnent, signaux qui bougent,Et tout à coup le passage des yeuxCrus et sanglants d'un convoi rouge ;Appels stridents, ouragans noirs,Pays de brasiers roux et d'usines tragiques,Où sanglotent, quand vient le soir,Toutes les voix du ventFrappant, d'un contenu gémissement,Les fils à l'infini des crins télégraphiques,C'est parmi vousQui entourez de vos remous,Les villes,Que s'en viennent chercher asileLes cerveaux éclatés des déments et des fous.
Marqués chacun d'un signe,Derrière un mur aveugle et sourdDe vieux faubourg,Les cabanons s'alignent ;Et la cité ardente et terrible, là-bas,Qui les peuple de haut en bas,Avec les yeux aigus de ces vitres hagardesS'en inquiète et les regarde.
Ô la folie et ses soleils, tout à coup blancs !Ô la folie et ses soleils plombantA rayons lents,A rayons ternes,Sinistrement,La fièvre et le travail modernes !
Jadis tout l'inconnu était peuplé de Dieux,Ils étaient la réponse aux questions dont l'hommeEn son âme puérile dressait la somme ;Ils étaient forts puisqu'ils étaient silencieux ;Et la prière et le blasphèmeQui ne résolvaient rienTranchaient pourtant, au nom du mal, au nom du bien,Les problèmes suprêmes.
Or aujourd'hui c'est la réalitéSecrète encor, mais néanmoins encloseAu cours perpétuel et rythmique des choses,Qu'on veut, avec ténacité,Saisir, pour ordonner la vie et sa beauté,Selon les causes.
L'homme se lève enfin pour ce devoir tardif,
Venu pour éclipser les feux de tous les autres ;Il s'affirme non plus le roi, le preux, l'apôtre,Mais le savant têtu, ardent et maladifQui se brûle les nerfs à saisir, au passage,Toute énigme qui luit et fuit - moment d'éclair.Doutes, certitudes, labeurs, fouilles, voyages,La terre entière est sonore de son pas clairEt la nuit attentive écoute arder ses veilles ;Avec des yeux géants, il explore la treilleDes globes d’ombre et d’or pendus au firmament.Les soirs sont flamboyants de hauts laboratoiresQu’il allume, pareils aux feux des promontoires.
La vie ? Il l’étudie en de simples ferments ;Couche après couche, il a fouillé les sols funèbres,Il a sondé le fond des mers et des ténèbres,Il a rebâti tout, avec un tel souciD’en bien fixer l’assise et les combles et les mortaises,Qu’il n’est plus rien, sous les grands toits de ses synthèses,Qui ne soit soutenu et ne soutienne aussi.
Et le tressaut universel des énergiesRègle ce travail neuf, de ses forces surgies,Aux quatre coins du monde — et la terre et les cieuxEt ceux qui trafiquent au nom de l'or et ceuxQui ravagent au nom du sang, tous collaborent,Avec leur haine ou leur amour, au but sacré.De chaque heure du siècle un prodige s'essoreEt vous les provoquez, chercheurs ! Tout est serré,Mailles de vie ou de matière entre vos doigts subtils ;Vos miracles humains illuminent les villesEt l'inconnu serait dompté et le savoir,A larges pas géants, aurait rejoint l'espoir,Si vos cerveaux battus du vent de la conquêteN'usaient à trop penser vos maigres corps d'ascèteEt si vos nerfs tendus toujours et toujours las,Un jour, tels des cordes, n'éclataient pas.
Ô la folie, avec ses cris, avec ses râles,Et ses pas saccadés au long d’un haut mur blanc,Ô la folie et ses soleils plombants et pâles,Comme des lampes sépulcrales,Sur les villes de l’occident,Certes vous l’entendez, chercheurs fiévreux et blêmes,Rôder non loin de vos maisons,Mais rien ne vous distrait du sort de vos problèmes,Vous surgissez, héros ! donnant votre raisonComme jadis on prodiguait sa vieEt les chevaux des recherches inassouviesN’arrêtent point l’essorDe leurs ailes vers la lumière,Parce que ceux qui les montaient glissent à terre,Soudainement, parmi les morts.
Emile Verhaeren, La folie, in Les Forces tumultueuses, Société du Mercure de France, 1902 p101-107
Emile Verhaeren, 1855 - 1916, poète belge flamand d'expression française
Merci pour ce partage. Un beau poème mais je n'ai pas accroché et ne l'ai pas lu jusqu'au bout j'avoue. Bisous
RépondreSupprimerJ'avoue que sa longueur m'y a fait réfléchir : publier ou pas. Des extraits ? difficile sans le trahir bises et belle fin de semaine
SupprimerUn poème qui résume bien la folie des hommes qui veulent régenter la terre. J'avais appris é ou 3 poèmes à l'école de ce grand poète . BOnne journée
RépondreSupprimerjuste rencontré dans le Lagarde et Michard à l'époque sans l'étudier. Redécouvert grâce aux blogs belle fin de semaine bises
SupprimerBonjour Jeanne,
RépondreSupprimerUn très bon choix, que ce poème rencontré lors de mes recherches. Je n'y ai pas cédé, à cause de sa longueur ! Cela veut dire, qu'il t'était destiné, hein !
Bon vendredi tout entier,
Bises♥
eh oui Colette et il est vrai que j'ai hésité aussi à le mettre en ligne en raison de sa longueur bises et belle fin de semaine
SupprimerUn grand poète. Je relirai sa biographie. Bises
RépondreSupprimerUn tres bon choix Jeanne pour ce thème de la folie .
RépondreSupprimerPrenant ce poème .