L'occasion de rééditer une nouvelle fois ce poème qui interroge me semble-t-il, si puissamment le sens de nos faire et dont le parcours de l'auteur est particulièrement pertinent.
Aux dix mille années
Ces barbares, écartant le bois, et la brique et la terre, bâtissent dans
Ils vénèrent des tombeaux dont la gloire est d'exister encore ; des ponts
renommés d'être vieux et des temples de pierre trop dure dont pas une
assise ne joue.
Ils vantent que leur ciment durcit avec les soleils ; les lunes meurent
en polissant leurs dalles ; rien ne disjoint la durée dont ils s'affublent
ces ignorants, ces barbares !
Vous ! fils de Han2;3, dont la sagesse atteint dix mille années et dix mille milliers d'années, gardez-vous de cette méprise.
Rien d'immobile n'échappe aux dents affamées des âges. La durée n'est
point le sort du solide. L'immuable n'habite pas vos murs, mais en vous,
hommes lents, hommes continuels.
Si le temps ne s'attaque à l'oeuvre, c'est l'ouvrier qu'il mord. Qu'on le
rassasie : ces troncs pleins de sève, ces couleurs vivantes, ces ors que la
pluie lave et que le soleil éteint.
Fondez sur le sable. Mouillez copieusement votre argile. Montez les bois
pour le sacrifice ; bientôt le sable cédera, l'argile gonflera, le double
toit criblera le sol de ses écailles :
Toute l'offrande est agréée !
*
Or, si vous devez subir la pierre insolente et le bronze orgueilleux,
que la pierre et que le bronze subissent les contours du bois périssable
et simulent son effort caduc :
Point de révolte : honorons les âges dans leurs chutes successives et le
temps dans sa voracité.
Victor Ségalen1, Stèles, 1912
2. Han ou peuple Han, principale constituante et peuple "historique" de la population chinoise
3. Dynastie Han, dynastie de dirigeants qui régnèrent sur la Chine de 206 avant JC à 220 après JC
photo par Victor Ségalen, Tortue et colonne cannelée de la tombe de Xiao Xiu, sculpteur inconnu, VIe siècle
photo publiée dans Chine, la grande statuaire (source wikimedia clic pour informations)
Nous sommes des bâtisseurs, nos œuvres si certaines résistent au temps qui passe, leur maître d'ouvrage meurent eux, il arrive qu'on oublie même leur nom… je ne laisserai rien derrière moi si ce n'est quelques photos ,-) bises, jill
RépondreSupprimerUne superbe réédition Jeanne, merci beaucoup !
RépondreSupprimerBises et bon jeudi de la part de Zaza
J'aime beaucoup le poème et sa chute...
RépondreSupprimerA méditer. :)
Passe une douce journée. Bises.
Je ne connaissais pas ce poète. J'aime les poésies plus modernes. j'ai dû lire plusieurs fois pour comprendre, je dois avoir l'esprit lent en ce moment. Bisous
RépondreSupprimerJe découvre ce poète , oui il faut s’interroger sur tout ce savoir faire et accepter que le temps puisse envers l'homme se montrer moins clément
RépondreSupprimerBonne journée
Bises
Bravo Jeanne ! Magnifique réédition pour relever le défi libre choix !
RépondreSupprimerBon après-midi de ce jeudi et belle sooirée à venir !
Bises♥
Des paroles très fortes qui interpellent effectivement sur la perennité de l'oeuvre humaine et sur la condition humaine.
RépondreSupprimerBon dimanche
Bonjour Jeanne,
RépondreSupprimerC'est très beau. Je ne connais pas et découvre avec grand plaisir. Merci Jeanne. Je trouve que ces mots prennent une résonance particulière avec ce qui se passe actuellement. Notre empreinte pourrait être si vite effacée par un être minuscule. A un saut de puce historique du chaos. Nous sommes peu de chose et le vent de l'histoire peut nous emporter...
Je ne Connais pas Segalen. Je regarderai. J'admire les vieilles pierres tout en me demandant pourquoi. Car ce n'est pas un homme à admirer mais une civilisation à comprendre. Bon confinement.
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