La cavalière
Son père a insisté pour que la jeune demoiselle les accompagne à la chasse. Non qu'elle apprécie ces traques sanguinaires. Son père non plus mais il est le peintre officiel du domaine. Une charge qui leur assure gite et subsistance. Elle a déjà un coup d'œil et de pinceau étonnants pour son âge et les suivre est une occasion inespérée pour observer les animaux "sur le vif".
On l'a apprêtée,
jupe longue, poitrine fière,
amazone moderne.
Tantôt, demain, de son fusain elle noircira ses carnets pendant que ces instants sont encore frais dans sa mémoire. Surtout pas ceux de l'hallali et de la curée. L'avouera-t-elle à son père ? Au milieu de la prairie libre, elle a laissé la chasse courir à l'exécution programmée, invitée par ces trois arbres. Elle a fixé la longe de son cheval à la plus basse branche et y a grimpé, déchirant sa robe du dimanche.
Depuis sa vigie,
elle croque un survivant
fuyant vers les bois.
Comme elle aimerait se débarrasser de sa selle pour rattraper à califourchon la meute et les chasseurs qui déjà s'éloignent avec leur trophée. Comme elle a détesté le langage aussi mondain qu'allusif sur sa taille fine et sa poitrine généreuse ! l'expérience lui laissera une sensation mêlée d'émerveillement et d'effroi. Il lui faut faire illusion jusqu'au bout
Et tenir son rang.
Majesté des animaux,
cruauté des hommes*.
Au loin, ses amis les arbres
la suivent sur son chemin.
©Jeanne Fadosi,vendredi 14 avril 2023
pour la page 226 de l'Herbier de poésies
à découvrir bientôt avec les autres brins sur la page 226
Toile de ARNAUD BOUCHET |
En pensant à Rosa Bonheur, au père de qui j'ai inventé cet emploi crédible.
(le texte qui accompagne cette dernière page vaut d'être lu et traduit) :
"Parce que les robes étaient restrictives, Bonheur a réussi à obtenir un permis de police pour porter des vêtements pour hommes pendant qu’elle travaillait."
* je peste contre cette insuffisance de la langue française qui m'impose ce nom et de renoncer à "mâle" qui aurait désigné l'humain comme l'animal.
Ce n'est pas courant pour un artiste du pinceau, du crayon de suivre la chasse et la croquer... avant que les fusils trouent le gibier... Merci Jeanne, bises
RépondreSupprimerBonjour Jeanne,
RépondreSupprimerJ'ai horreur de la chasse à coure, de la corrida: tout cela est d'un autre temps. On devrait abandonner ces pratiques cruelles.
Un bel haïbun où j'ai aimé découvrir ce pinceau et ce fusain qui croquent la vie.
Dire que le port du pantalon était interdit aux femmes! C'est fou cela et ça me hérisse lorsque j'y songe
Merci Jeanne
Bises
Une belle interprétation ! J'aime à imaginer l'ensemble des scènes que tu décris si bien.
RépondreSupprimerPlus de robe longue pour courir les bois Jeanne et pas d'acte sanguinaire heureusement, laissons à la forêt sa vie et sa beauté !
RépondreSupprimerBonne idée d'avoir pensé à Rosa Bonheur !
Bises