Les calculs ont remplacé la grâce. La contemplation des chiffres épuise l'âme. Ils sont à plaindre, les yeux du monde.
Un dimanche matin de janvier, j'allais le cœur léger vers un moment de rencontre dont je me réjouissais. Je ne fus pas déçue. Quel beau cadeau que la vie quand on savoure le moment présent !
Pour occuper le trajet, j'ai allumé ma radio préférée qui allait diffuser dans l'émission l'Embellie un entretien avec le "nez" de Guerlain.
et même si je n'adhérais pas à tous ses propos, sa vision à la fois dynamique et positive du monde allait bien à mon humeur joyeuse.
Le soir au retour d'une journée qui m'avait apporté tant de petits bonheurs partagés, j'ai écouté faute de mieux une rediffusion d'un grand atelier avec l'écrivain et poète Christian Bobin que je n'avais pas écouté lors de sa première diffusion. Emission que j'ai "attrapé" en cours de route (au vrai comme au figuré)
Je me souvenais qu'il était mort récemment, de ses billets dans la revue laïque Le Monde des religions, de sa manière de transformer la noirceur des jours de la vie en phrases pleines de lumière, de ses petites phrases qui dans la pire des situations font regarder le verre à moitié plein sans ignorer le verre à moitié vide, sans mettre la poussière des horreurs sous le tapis. Cette tournure d'esprit d'aborder la vie qui est donnée à peu et qu'il avait eu la bonne fortune de savoir la partager dans son écriture.
En écrivant, j'accomplis un travail que personne ne m'a demandé de faire - à part bien sûr quelques herbes folles et le sourire infailliblement lumineux de mon père disparu.Un assassin blanc comme neige (2011) de
Christian Bobin
Sa spiritualité puisant au plus profond de sa foi du charbonnier croisant son chemin de connaissance des philosophes.
Je ne partage pas cette foi et je n'ai jamais lu un de ses très nombreux livres, juste des extraits ou des citations. Alors je me suis dit après cette superbe journée pleine (j'allais écrire pleine de "grâce", venant de l'agnostique que je suis), je me suis dit Pourquoi pas ?
Christian Bobin : "Nous existons si peu, c'est un miracle que cette larme dans les yeux" (radiofrance.fr) Dimanche 29 janvier 2023 (première diffusion le dimanche 2 octobre 2022)
Sauf qu'à moins de deux mois de sa mort annoncée par la maladie, la légèreté était singulièrement absente de cet ultime parole sur les ondes. Bobin donne le ton dès le début de l'émission :
"... le livre ... aide à l'ouverture il ouvre une porte qui nous permet d'aller ailleurs que dans le monde où nous respirons mal"Nous vivons sous la férule d'un dieu qui s'appelle le progrès qui est un dieu aveugle, qui est un dieu qui ne sait qu'une seule chose se précipiter qui ne sait même plus pourquoi il se précipite et qui voyant les dégâts qu'il cause prétend guérir les maux qu'il cause lui-même. C'est pas grave je suis monsieur le progrès et donc je vais résoudre le grand désastre que je laisse derrrière moi alors que je suis en train de courir vers un désastre encore plus grand ...".
En commençant ce brouillon j'étais partie à pêche de quelques unes de ses citations
:
Dieu tenait au dix-septième siècle la place qu'aujourd'hui tient l'argent. Les dégâts étaient moindres.Les Ruines du ciel (2009) de
Christian Bobin
En observant la fureur du monde aujourd'hui, je ne peux qu'approuver cette citation, du moins la première partie : j'ai des doutes sur les moindres dégâts de la pensée dominante au XVIIe siècle, ne serait-ce qu'en révisant la partie émergée de son histoire :
Fronde (histoire) — Wikipédia (wikipedia.org) ; Révolte des croquants — Wikipédia (wikipedia.org) ; Édit de Fontainebleau (1685) — Wikipédia (wikipedia.org) qui révoque l'Édit de Nantes — Wikipédia (wikipedia.org),
Le but des dragonnades mises en œuvre à partir du mois de mai 1681 dans le Poitou par l’intendant Marillac est de terroriser les populations et d'obtenir leur conversion.
Car c'est être poète que regarder la vie et la mort en face, et réveiller les étoiles dans le néant des cœurs.
Pourquoi la colère ? pourquoi ce titre ? pourquoi ressortir maintenant ce billet ?
J'ai il y a quelques jours terminé la lecture du roman de Pierre Lemaitre Le silence et la colère - Pierre Lemaitre - Babelio
Ce matin samedi 20 j'ai acheté le n°446 de le Un Hebdo, celui de la semaine dernière dont j'ignorais le thème et que je vais découvrir cette fin de semaine :
Et je resterai avec ces autres questions autour du pourquoi ... pourquoi le silence ? pourquoi fait-on silence sur les pourquoi ?
Aujourd'hui vendredi 19 mai, alors que je reprends ce brouillon laissé une nouvelle fois en plan, sans en changer le titre, plus que jamais d'actualité-s, je pense à un autre Christian qui vient de mourir, à sa famille, toute sa famille, à ses ami-es.
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