Pour la page 143 de l'Herbier de poésie
L'eau raconte une autre légende de Narcisse
Narcisse contemplait l'eau noirâtre où ne respiraient même plus les bulles d'air des poissons éclatant à la surface. Il songeait à toute cette vie racontée par son grand-père, déjà moins par son père. Il cherchait, cherchait dans ses rides le reflet des cimes aux neige éternelles et des grands chênes à l'assaut des flancs. On lui avait dit qu'autrefois l'eau était si pure qu'on pouvait y apercevoir son propre visage dans l'écrin d'un paysage inversé.
Narcisse cherchait quelle image associer au mot paysage.
Comment croire en cette beauté idéalisée ? Même les miroirs étaient brisés.
Narcisse cherchait quelle image associer au mot visage.
Il s'entêtait, scrutait jusqu'à s'abîmer les yeux. La rumeur d'une foule s'insinuait :
"C'est la faute à Cassandre, la faute à Cassandre ..."
Une foule incontrôlée, incontrôlable. Une pierre, dix pierres ...
"Et toi, papa dis, tu as lancé des pierres ?
- Non. Enfin, je ne crois pas. Je n'aime pas me souvenir.
- Mais tu n'as rien empêché ?
- ..."
Narcisse quêtait l'ombre d'un regret sur la mémoire du visage du père. Juste l'imaginer. Mais non. Même son imaginaire se dérobait.
Il n'a rien fait. Ils n'ont rien empêché.
Là-bas, au milieu des serpents d'écume, n'était-ce pas les yeux noirs de la Terre-Colère ?
La rive est vide. Des cercles dans l'eau un instant troublée viennent s'échouer sur le sol nu.
C'est la faute à Cassandre,
la faute à Cassandre,
à Cassandre.
De superbes rééditions Jeanne, merci.
RépondreSupprimerBises et bon week-end
Superbe hommage, Jeanne ! Bonne toute fin de soirée et agréable dimanche ! Bises♥
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