Les vacances scolaires arrivent, j'aurai sans doute (je l'espère) un peu plus de temps à consacrer à l'Herbier, qui doit être contrarié par mon abandon momentané. Mais je ne peux rien promettre, j'en suis désolée.Les vacances se sont écoulées dans le silence des rues désertées des enfants.
Les lâches silences œuvrent en douce la nuit. Le bruit tonitruant du monde fait mousser des insignifiances pour ne pas entendre d'autres cris, sous les bombes, sous la haine, sous les désespérances.
Sur une page plus ancienne de l'Herbier, nous étions invités à rééditer d'anciennes pages. C'est que j'avais d'abord cru en lisant de travers la dernière suggestion et j'avais choisi un texte en accord avec mon spleen. Oui ce vocable est désuet mais il correspond bien mieux à mon état d'âme que toutes les expressions modernes.
Permettez que je le réédite ici, suivi de deux autres textes écrits pour l'Herbier qui me semblent faire résonance ou contrepoint.
L'eau raconte ...
Pour la page 143 de l'Herbier de poésie
L'eau raconte une autre légende de Narcisse
Narcisse contemplait l'eau noirâtre où ne respiraient même plus les bulles d'air des poissons éclatant à la surface. Il songeait à toute cette vie racontée par son grand-père, déjà moins par son père. Il cherchait, cherchait dans ses rides le reflet des cimes aux neige éternelles et des grands chênes à l'assaut des flancs. On lui avait dit qu'autrefois l'eau était si pure qu'on pouvait y apercevoir son propre visage dans l'écrin d'un paysage inversé.
Narcisse cherchait quelle image associer au mot paysage.
Comment croire en cette beauté idéalisée ? Même les miroirs étaient brisés.
Narcisse cherchait quelle image associer au mot visage.
Il s'entêtait, scrutait jusqu'à s'abîmer les yeux. La rumeur d'une foule s'insinuait :
"C'est la faute à Cassandre, la faute à Cassandre ..."
Une foule incontrôlée, incontrôlable. Une pierre, dix pierres ...
"Et toi, papa dis, tu as lancé des pierres ?
- Non. Enfin, je ne crois pas. Je n'aime pas me souvenir.
- Mais tu n'as rien empêché ?
- ..."
Narcisse quêtait l'ombre d'un regret sur la mémoire du visage du père. Juste l'imaginer. Mais non. Même son imaginaire se dérobait.
Il n'a rien fait. Ils n'ont rien empêché.
Là-bas, au milieu des serpents d'écume, n'était-ce pas les yeux noirs de la Terre-Colère ?
La rive est vide. Des cercles dans l'eau un instant troublée viennent s'échouer sur le sol nu.
C'est la faute à Cassandre,
la faute à Cassandre,
à Cassandre.
L'homme accablé
Pour la page 130 de l'Herbier de poésie
L'homme à tête d'airain
pleure toutes les larmes du monde
Et coule en pointes assassines
l'encre des désillusions !
©Jeanne Fadosi, mardi 18 décembre 2018
avec les autres brins sur la page 130 de L'Herbier
L'effet papillon
Pour la page 131 et précision de l'Herbier de poésie
L'effet papillon
un dessin candide
redonne goût au sourire
dansant les couleurs.
L'encre se métamorphose
en figures de légendes.
Tout y fait symbole,
aiguillonne l'actualité
en irrévérences.
Le monde tourneboulé,
est-ce l'effet papillon ?
©Jeanne Fadosi, mardi 8 janvier 2019
avec les autres brins sur la page 131 de L'Herbier
En hommage à un jeune homme noyé dont le tort était d'aimer la musique actuelle et (trop) forte.
En hommage aux innocents tués avant-hier en Allemagne, tous les jours en Syrie ou ailleurs dans des lieux encore plus invisibles.
De superbes rééditions Jeanne, merci.
RépondreSupprimerBises et bon week-end
Superbe hommage, Jeanne ! Bonne toute fin de soirée et agréable dimanche ! Bises♥
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