Pour le jeudi poésie 20 septembre : « L'injustice » ou laissé au choix
Un trafiquant sur mer, par bonheur, s'enrichit.
Il triompha des vents pendant plus d'un voyage :
Gouffre, banc, ni rocher, n'exigea de péage
D'aucun de ses ballots ; le Sort l'en affranchit.
Sur tous ses compagnons Atropos et Neptune
Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune
Prenait soin d'amener son marchand à bon port.
Facteurs, associés, chacun lui fut fidèle.
Il vendit son tabac, son sucre, sa canelle,
Ce qu'il voulut, sa porcelaine encore :
Le luxe et la folie enflèrent son trésor ;
Bref, il plut dans son escarcelle.
On ne parlait chez lui que par doubles ducats ;
Et mon homme d'avoir chiens, chevaux et carrosses :
Ses jours de jeûne étaient des noces.
Un sien ami, voyant ces somptueux repas,
Lui dit : « Et d'où vient donc un si bon ordinaire ?
– Et d'où me viendrait-il que de mon savoir-faire ?
Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes soins, qu'au talent
De risquer à propos, et bien placer l'argent. »
Le profit lui semblant une fort douce chose,
Il risqua de nouveau le gain qu'il avait fait ;
Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à souhait.
Son imprudence en fut la cause :
Un vaisseau mal frété périt au premier vent ;
Un autre, mal pourvu des armes nécessaires,
Fut enlevé par les corsaires ;
Un troisième au port arrivant,
Rien n'eut cours ni débit : le luxe et la folie
N'étaient plus tels qu'auparavant.
Enfin ses facteurs le trompant,
Et lui-même ayant fait grand fracas, chère lie,
Mis beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup,
Il devint pauvre tout d'un coup.
Son ami, le voyant en mauvais équipage,
Lui dit : « D'où vient cela ? – De la fortune, hélas !
– Consolez-vous, dit l'autre ; et s'il ne lui plaît pas
Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage. »
Je ne sais s'il crut ce conseil ;
Mais je sais que chacun impute, en cas pareil,
Son bonheur à son industrie ;
Et, si de quelque échec notre faute est suivie,
Nous disons injures au Sort.
Chose n'est ici plus commune.
Le bien, nous le faisons ; le mal, c'est la Fortune :
On a toujours raison, le Destin toujours tort.
Jean de La Fontaine, Recueil : Les fables du livre VII (1678)
Bonjour Jeanne, ah comme on dit tenter le diable et rejouer !!! Sagesse est bon conseil et qui ménage sa monture etc... Merci, bon jeudi, bises de JB
RépondreSupprimerla fortune ne repasse pas les plats en effet surtout quand on ne reconnait pas ses mérites ... bises
SupprimerBon choix. C'est vrai qu'on impute souvent nos malheurs à l'injustice du sort au lieu de faire son auto-critique et nos bonheurs à ce que l'on a fait. Belle journée
RépondreSupprimerje l'ai expérimenté des centaines de fois en tant que prof. Les bonnes notes, c'était l'élève qui était bon, les mauvaises notes, c'était le prof qui était mauvais ... belle semaine
SupprimerElle est belle cette fable de Jean de La Fontaine et tellement vraie. Merci Jeanne pour ce rappel.
RépondreSupprimerBises et bon jeudi
Ce qui continue à faire le succès de La Fontaine c'est qu'il est toujours d'actualité. Il avait déjà pompé sur Esope quelque vingtaine de siècles plus tôt bises et belle semaine
Supprimerce n'est pas la première fois que nous publions le même poeme :-)
RépondreSupprimerbonne soirée
bises
ah oui je confirme ! nous avons les mêmes sources, les mêmes souvenirs et dans certains cas les mêmes goûts bises
SupprimerBien choisie cette fable de la Fontaine il est certaines injustices dont nous sommes complètement responsables .
RépondreSupprimerBonne soirée
Bisous
mais c'est difficile de le reconnaître ! bises
SupprimerUn très bon choix, Jeanne, que cette fable !!! Elle était mon premier choix et, j'ai fait un autre choix ensuite !
RépondreSupprimerBonne soirée,
Bises♥
alors nous aurions été trois. Il faut dire que, satisfaite, je n'ai pas approfondi ma recherche. bises
SupprimerBonsoir Jeanne. Je ne la connaissais pas, cette fable qui met directement en scène les humains (comme le roi n'est pas concerné, il peut y aller !). Très juste (!) ces constatations sur les interprétations de la justice et de l'injustice. Merci beaucoup, bises !
RépondreSupprimerOui tu as raison mais ce n'est pas la seule comme le financier et le savetier. Mais je ne connaissais pas celle-ci ou ne m'en souvenais plus car en principe j'ai lu toutes les fables. Moins les autres écrits de La Fontaine qui valent aussi le détour notamment ses pamphlets directement politiques. bises
SupprimerIl est sans doute plus facile d'imputer ses erreurs à d'autres... mais ça n'aide pas vraiment à progresser.
RépondreSupprimerMerci pour cette fable, Jeanne.
Bises et douce soirée.