Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune de 145 en 2010 à 94 ou 103 ou 134 selon les sources en 2023

(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

lundi 10 juin 2019

Défi n°222 : "papotages"

Fleur de flocons à la barre du défi n°222 des CROQUEURS DE MOTS a écrit dans sa feuille de route :
Pour le défi du lundi, quelqu’un est sur le pas de sa porte, à votre avis que fait-il ?
Une fois de plus je vais décentrer (légèrement) la focale ...
En effet, elle n'était pas sur le pas de la porte mais près de la fenêtre.


J'ai dit tout haut ce qui traversait mon esprit inoccupé :
"Que fait-elle ... à nous regarder passer ... ?"
Il faut vous dire que c'était dimanche dernier, fin de grand week-end de transhumance" et nous avancions résignés à l'allure de la file ininterrompue de voitures qui traversait leur village, tels des escargots allant à l'enterrement d'une feuille morte.
Premier passager (P1) :
- Elles papotent
Moi, la conductrice (C) :
- Ah bon elle vapote ? je croyais qu'elle tirait sur une vraie cigarette.
P1 :
- C'est bien une clope. Elle papote avec quelqu'un qui est à sa fenêtre.
C :
- Je me demande ce qu'elles peuvent bien se dire ?
... à quand la déviation ?
... ah ! ces c... de transhumants parisiens !
... merci Bison futé !
Deuxième passager (P2) qui maîtrise bien le français courant  et qui est toujours gourmande d'apprendre des nouvelles expressions :
- C'est quoi "papoter" ?
Retour à la réalité des subtilités de la langue française. Un ado ou un adulescent n'aurait pas plus compris et serait retourné à son monde sous ses écouteurs ou à son papotage moderne en tchatches et twitts.
P1 :
- Ça veut dire "parler".
Réponse claire et formellement exacte.
Oui mais ...
Tout est dans la nuance et aucun autre mot ne transmettra l'expression de tout ce qui se joue là entre ces deux voisines de par et d'autre de la fenêtre. Légèreté du propos, connivence, gazette locale, philosophie de comptoir ou/et vision profonde du monde tel qu'il leur échappe ...
Ce n'est surtout pas "parler pour ne rien dire", peut-être "parler de tout et de rien" ou "parler à bâtons rompus"
- C'est quoi, "parler à bâtons rompus" ?
Ce n'est pas "parler de la pluie et du beau temps". Il fait grand beau et bien trop chaud. La conversation dérivera sans doute vers la crainte de la sécheresse et le dérèglement climatique ... pour le craindre ou le balayer comme le dernier de leurs soucis immédiats.
Ce n'est pas "bavarder", chargé des punitions de nos enfances. Ni "discuter", bien trop sérieux. Ni "cancaner" supposant de la médisance.
Il y a de la légèreté dans les propos échangés en papotant, et tout à la fois la banalité et l'âpreté de la vie quotidienne.

- Ouf ! ça y est, mon dernier fait enfin ses nuits
- attends de voir quand il va percer ses premières dents ...
- Tu n'as toujours pas réussi à faire sortir les poubelles par ton homme ?
- Oh non rires ! il ne manquerait plus que cela ! mon mec, il serait capable de partir avec au boulot en laissant sa sacoche sur le trottoir.
- Au moins, il en a encore un de boulot ! Ce n'est pas comme mon aîné, avec ses deux masters, il n'en trouve toujours pas !
- Pourtant, c'est pas le gosse à avoir les deux pieds dans le même sabot.

Si P2 entendait leur conversation, elle soulèverait des sourcils étonnés :
- C'est quoi "avoir les deux pieds dans le même sabot" ? Il suffirait de remplacer "sabot" par "chaussure" ou "sandale" pour que l'image suscitée par cette expression désuète lui soit plus efficace que toutes nos tentatives de synonymes.
Vitres fermées, à l'abri de la chaleur grâce à la climatisation, nous n'entendons pas ce qu'elles se disent.
Laissons-les à leur "commerce", vieux synonyme de "conversation"
En silence et à l'arrêt une énième fois derrière le volant, je médite sur les sorts divergents du nom "conversation", socle usuel et même vital de l'oralité et du lien social et du verbe "converser", si peu conjugué de nos jours qu'il en est devenu mondain.

*******
J'ai écrit le brouillon de ce qui précède mardi ou mercredi en m'appuyant sur un moment vécu en rentrant le soir du dimanche de l'ascension. Il se trouve que le jeudi matin du 6 juin 2019 dans l'émission Grand bien vous fasse sur France Inter dont le sujet du jour était Devenir soi-même, pourquoi et comment ? mon oreille a été alertée par les propos d'une des invitées, présentée comme "philosophe" et se présentant comme spécialiste du XVIIe siècle. Des propos faisant résonance à mes réflexions. Du coup j'ai repris mon crayon. La suite Ici --->

Camille Claudel, les causeuses, 1897
Petit glossaire :

8 commentaires:

  1. C.Q.F.D. Jeanne ! Papotage, bavardage, la parlotte, tout simplement l'échange pour tuer le temps, et garder le sourire ! 😉
    Bises

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  2. As-tu fait attention au mot "jasette" chez Colette, il m'a fait sourire, mais ici elles ne jasent pas elles placotent, tout simplement... Belle leçon de vocabulaire !

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  3. et papoti, papota, que faisait donc cette dame derrière sa fenêtre ? (elle me fait penser à tous ces tableaux avec des dames à la fenêtre)
    Dans la voiture, le papotage, c'est un peu le chauffage, celui qui réchauffe l'ambiance, et lie les occupants.
    Belle idée de décentrer la focale. Bises et porte toi bien

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  4. Bravo Jeanne ! Une excellente participation à relever le défi ! J'♥ ! Bises♥

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  5. Jeanne, vous avez parfaitement restitué les supposés papotages, les petits riens qui entretiennent les relations de bon voisinage. Bises des Cabardouche !

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  6. C'est vrai que bloguer c'est sympa, mais papoter réellement c'est tellement mieux, cela dit voilà trois mois que je suis sans voix, c'est un peu compliqué pour moi de papoter.
    Bisous.
    Domi.

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  7. Bravo pour ton texte et cette réflexion sur la façon de parler , c'est vrai que le Français possède un arsenal important de vocabulaire pour saisir chaque nuance .
    Bonne journée
    Bises

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  8. Papoter, parce que ça fait du bien, souvent, pour éviter des silences qui deviendraient pesants. :)
    L'espace exigu d'une voiture, est propice à des échanges légers. :)
    La nature permet d'écouter le silence et de s'y trouver bien.

    Je remonte le temps, mais j'aime ce que j'y trouve.
    Merci pour tout, Jeanne.
    Passe une douce journée.

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