Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune de 145 en 2010 à 94 ou 103 ou 134 selon les sources en 2023

(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 11 avril 2024

Jeudi poésie : Souvenirs du bord de l'eau

aparté, petit rappel, je suis dans l'impossibilité à cause d'un bug de déposer des commentaires sur les blogs de Blogger. Vous m'en voyez désolée.

Envie de garder un fil poétique avec ce rendez-vous des CROQUEURS DE MOTS qui ne reviendra pas. Du moins dans ce jeu d'écriture. 

Envie aussi, en ces temps de hauts murs et de chacun pour soi, de rééditer l'un de mes textes où j'entremêlais prose et vers pour tisser ces souvenirs confiés, par la grâce de ces liens sociaux que l'on tissait le temps d'une saison.
Je ne sais pas ce qu'est devenue cette personne. La contemplation du fil de l'eau d'une rivière ou d'un fleuve m'y renvoie. Souvent.

C'était en novembre 2020, pour  Le nid des mots de abécé  ,  "En écoutant la Moldau de Smetana il était demandé d'écrire sur le thème de l'eau.   C'était dans la vraie vie le long de l'Oise en 1986.   

Une eau qui manque là-bas ou qui déborde ailleurs ou qui engloutit tant et tant.


L'eau s'écoulait nonchalamment
A peine ridée par le vent
Le chaland allait lentement
La femme sans âge,
sans nuage sur son visage
S'imprégnait du paysage

J'avais vu son annonce d'offre de cours particuliers de piano classique et moderne dans le journal Le Monde car j'avais acheté un clavier électronique et je ne m'en sortais pas toute seule. Il lui fallait deux  heures par le train depuis Paris où elle logeait dans un foyer pour femmes de L'Armée du Salut et autant pour le retour. Juste pour  m'apprendre les rudiments du piano pendant mon troisième congé de maternité et pour un prix plus que modeste.  

Après ma leçon je lui offrais du thé et des gâteaux et nous écoutions de la musique de son choix. Elle aimait particulièrement La Moldau de Smetana. Et quand le temps était clément elle me demandait si nous pouvions aller nous promener le long de la rivière toute proche. Nous étions en hiver, j'emmitouflais mon bébé et nous partions avec le landau.

Le poème symphonique de Smetana est enkysté de ce souvenir de près de quarante ans. Elle me disait combien contempler le fil de l'eau l'apaisait et elle me racontait par bribes des fragments de sa vie d'avant. Sa voix sans affect, sans ressentiment non plus, avait le même ton que si elle m'avait demandé de lui passer le sel.

D'elle je n'ai su que peu de choses sinon qu'elle était arrivée d'Asie avec les boat people. Elle avait été pharmacienne dans une autre vie. Elle avait vendu son officine, puis son logement. Il valait mieux désormais être locataire que propriétaire. Mais ces précautions n'avaient pas suffi et elle avait perdu toute sa famille un jour de grand "ménage".

L'émotion avait déserté
comme le sel brûlant ses blessures.
Cœur à vif, cœur flétri,
Le tribut à sa survie.

L'eau s'animait doucement
Au passage de la péniche.


péniche sur l'Oise

 


l'Orne en amont du barrage de Rabodanges

2 commentaires:

  1. Un texte très émouvant. Je viens de le lire plusieurs fois, contempler le fil de l'eau pour apaiser les brulures de la vie en laissant aller son esprit.
    L'émotion disparue ou enfouie, et l'eau qui s'anime.
    Merci
    l'Marco

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  2. Comme j'habite au bord de la rivière qu'on nomme la Lys, j'ai connu très tôt ces sorties... et ma foi, je continue encore, merci, jill

    RépondreSupprimer

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