Chaque jour je n'oublie pas Anne-Sophie et ses compagnes d'infortune

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(clic sur le lien pour comprendre ... un peu)

jeudi 26 octobre 2017

Le pied ... , de Pablo Neruda

Le corps humain en tout ou partie, tel est le fil conducteur des jeudis poésies des CROQUEURS DE MOTS pour le défi n°193 piloté par Martine depuis le Quai des rimes.
J'avais l'intention de rééditer Le nez, un blason du XVIe siècle, genre satirique à la mode à l'époque.
C'était oublier cette merveille relue hier soir car le recueil de Pablo Neruda, Vaguedivague est l'un de mes livres de chevet du moment.


"Tes pieds je les touche dans l'ombre et je marche dans la forêt entouré d'éléphants blessés"

Tes pieds je les touche dans l'ombre est même repris comme titre français d'un recueil posthume bilingue composé d'inédits collectés par la Fondation Pablo Neruda

Pour les puristes de la version originale et les hispanophones, j'ai cherché et trouvé le poème de Pablo Neruda sur le site de l'université du Chili dédié à Neruda Clic --->


Le pied ...

Le pied de l'enfant ne sait pas encore qu'il est pied,
et il veut être papillon ou pomme.

Mais ensuite les vitres et les pierres,
les rues, les escaliers,
et les chemins de la terre dure
apprennent au pied qu'il ne peut voler,
qu'il ne peut être un fruit rond sur une branche.
Le pied de l'enfant alors
fut vaincu, il est tombé
dans la bataille,
il fut prisonnier,
condamné à vivre dans une chaussure.

Petit à petit sans lumière
il connut le monde à sa manière,
sans connaître l'autre pied, enfermé,
explorant la vie comme un aveugle.

Ces doux ongles
de quartz, de grappe,
s'endurcirent, se muèrent
en substance opaque, en cor dur,
et les petits pétales de l'enfant
s'aplatirent, se déséquilibrèrent,
prirent des formes de reptile sans yeux,
des têtes triangulaires de ver.
Et ils se turent ensuite,
ils se couvrirent
d'insignifiants volcans de la mort,
d'inacceptables endurcissements.

Mais cet aveugle marcha
sans relâche, sans arrêter
heure après heure,
le pied et l'autre pied,
à présent d'homme
ou de femme,
en haut,
en bas,
à travers les champs, les mines,
les magasins et les ministères,
derrière,
dehors, dedans,
devant,
ce pied a travaillé avec sa chaussure,
il a à peine eu le temps
d'être nu dans l'amour ou le rêve,
il a marché, ils marchèrent
jusqu'à ce que l'homme entier s'arrêtat.

Et alors à la terre
il est descendu et il ne sut rien,
parce que là-bas tout et tout était sombre,
il ne sut pas qu'il avait cessé d'être pied,
si on l'enterrait pour qu'il volât
ou pour qu'il pût
être pomme.


Pablo Neruda*, Vaguedivague, 
titre original Estravagario, Pablo Neruda 1958 et Fondation Pablo Neruda.
traduction Guy Suarès 1971, Gallimard poésie 2013 p 59 à 61

Illustration trouvée sur le Net, comme un écho à la page d'accueil du blog de poésie de notre amirâle Dômi :
http://lecoindemapoesie.apln-blog.fr/

En Mongolie, des archéologues du musée de Khovd ont découvert une momie de 1500 ans dans les montagnes de l’Altaï. — Khovd Museum (info 20minutes 12 avril 2016)


*Pablo Neruda, 1904 - 1973 : poète, écrivain, diplomate, penseur et homme politique chilien, mort alors qu'il s'apprêtait à l'exil, 12 jours après le coup d'Etat militaire du 11 septembre 1973 au Chili mené par le général Pinochet qui a renversé le gouvernement du président Salvador Allende (socialiste) démocratiquement élu.

Fondation Pablo Neruda

8 commentaires:

  1. Ah j'aime ce poème sur le pied, sa vie, sa mort, enfin libre... merci Jeanne, belle journée, bises

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  2. Merci beaucoup pour ce poème : C'est le pied. Je libère mes pieds ici en Vendée. Hier j"ai marché 8 km sur la plage les pieds nus dans l'eau : le bonheur. A défaut de voler ils sont libérés des chaussures et baignent. Je reprends ma pause interrompue pour mon défi croqueurs.

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  3. Je viens de prendre mon Pied Jeanne.
    Bises et bon jeudi

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  4. Merci pour ce poème de Pablo Neruda , un pied joliment mis en valeur .
    Le mystère de sa mort semble etre bientôt résolu si l'on en croit les nouvelles conclusions des scientifiques
    Bon jeudi
    Bisous

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  5. Toute une vie de pieds....sans eux nous n'irions pas loin

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  6. Excellent choix si bien présenté, Jeanne ! J'♥ beaucoup ! Bon matin de ce vendredi ! Bises♥

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  7. Le poème est très beau et j'aime aussi les images que tu as choisies.
    Bravo, Jeanne.
    Bises et douce journée.

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  8. Un très bon choix , j'aime beaucoup cet auteur. J'ai appris tout récemment qu'il aurait été assassiné et non mort naturellement.
    Merci d'avoir repris ma bannière, cela me touche beaucoup :)
    Bisous et à demain pour le défi mené cette fois par Lénaïg.
    Domi.

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