Une fois n'est pas coutume (pour moi) et anticipant deux semaines bien chargées, je m'étais hâtée de programmer pour aujourd'hui un poème de la Renaissance que vous avez découvert jeudi dernier chez Colette "Sur ses ailes, Amour, d'un vol en pleine vitesse" deMarc PAPILLON DE LASPHRISE, recueil L'Amour passionnée de Noémie***, 1597.
Il n'y a pas à dire, les poètes de la Renaissance s'y connaissaient dans l'art de dire les choses ...
Je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous la note*** :
(***) à noter : en ce temps-là, amour était le plus souvent écrit au féminin tant au singulier qu'au pluriel. L'orthographe n'était d'ailleurs pas rigide comme maintenant. Il a été fixé par les académiciens à partir de la création par Richelieu de cette vénérable institution en 1634-1635.
Du coup, en avance sur notre calendrier festif, vous aurez de la prose, mais quelle prose poétique !
Les trois messes basses (extrait la 2ème messe)
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À part ces légères méprises, le digne homme débite son office très consciencieusement, sans passer une ligne, sans omettre une génuflexion ; et tout marche assez bien jusqu’à la fin de la première messe ; car vous savez que le jour de Noël le même officiant doit célébrer trois messes consécutives.
— Et d’une ! se dit le chapelain avec un soupir de soulagement ; puis, sans perdre une minute, il fait signe à son clerc ou celui qu’il croit être son clerc, et…
Drelindin din !… Drelindin din !
C’est la seconde messe qui commence, et avec elle commence aussi le péché de dom Balaguère.
— Vite, vite, dépêchons-nous, lui crie de sa petite voix aigrelette la sonnette de Garrigou, et cette fois le malheureux officiant, tout abandonné au démon de gourmandise, se rue sur le missel et dévore les pages avec l’avidité de son appétit en surexcitation. Frénétiquement il se baisse, se relève, esquisse les signes de croix, les génuflexions, raccourcit tous ses gestes pour avoir plus tôt fini. À peine s’il étend ses bras à l’Évangile, s’il frappe sa poitrine au Confiteor. Entre le clerc et lui c’est à qui bredouillera le plus vite. Versets et répons se précipitent, se bousculent. Les mots à moitié prononcés, sans ouvrir la bouche, ce qui prendrait trop de temps, s’achèvent en murmures incompréhensibles.
Oremus ps… ps… ps…
Mea culpa… pa… pa…
Pareils à des vendangeurs pressés foulant le raisin de la cuve, tous deux barbotent dans le latin de la messe, en envoyant des éclaboussures de tous les côtés.
Dom… scum !… dit Balaguère.
… Stutuo !… répond Garrigou ; et tout le temps la damnée petite sonnette est là qui tinte à leurs oreilles, comme ces grelots qu’on met aux chevaux de poste pour les faire galoper à la grande vitesse. Pensez que de ce train-là une messe basse est vite expédiée.
— Et de deux ! dit le chapelain tout essoufflé ; puis sans prendre le temps de respirer, rouge, suant, il dégringole les marches de l’autel et…
Drelindin din !… Drelindin din !…
C’est la troisième messe qui commence.
[ . . . ]
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, Les trois messes basses, 1869 1e éd.
Si vous avez l'envie de relire ou de découvrir ce délicieux et impertinent conte de noël c'est ici :
Les trois messes basses, de Alphonse Daudet (I) ; (II) ; (III)
Abraham van Beijeren, Nature morte avec fruits et volailles, ~1651 |
Lettres de mon moulin, de Alphonse Daudet, 1e éd. 1869
De la messe en avalanche, de nos jours les curés en rêve... il n'y a parfois plus de curé dans telle ou telle église !! Merci Daudet, j'adore... bises, jill
RépondreSupprimerLes lettres de mon moulin ont enchanté mon enfance. J'ai pris plaisir à lire cet extrait. Beau jeudi et merci pour ce défi qui m'a plu.
RépondreSupprimerJ'aime le style, la candeur et la poésie réaliste chargée d'humour de Daudet...
RépondreSupprimerLes 3 messes basses, que de souvenirs scolaires ! Merci Jeanne pour cet extrait.
RépondreSupprimerBises et bon jeudi
oui souvenirs d'école avec les lettres de mon moulin !!
RépondreSupprimerquel succès !!
toujours autant apprécié malgré les années qui passent-
bisous et bon aprem !
quel texte que j'avais oublié ! bises
RépondreSupprimerToujours aussi truculent ce texte .
RépondreSupprimerBonne soirée
bisous
Que c'est chantant, j'adore :)
RépondreSupprimerMerci pour tout Jeanne.
Bisous.
Domi.
J'aime beaucoup Daudet et j'adore cette nouvelle . C'est jouissif! Un choix superbe.Bises
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