barrière me fait penser à la grande barrière de corail et au garde-barrière de mon enfance celui qui gardait encore le passage à niveau de La Mesnière alors qu'il n'y passait plus que des engins de chantier.
Mais quand j'ai fait ma requête au moteur de recherche Google, avant les sites de définition j'ai eu droit à plusieurs occurrence du groupe Barrière (casinos et hôtels de luxe). Un sens de la hiérarchie tel celui du monde d'avant à maintenir coûte que coûte dans le monde d'après.
Et puis tenez, puisqu'au début l'on nous a asséné cette traduction littérale d'un anglicisme sans doute lui-même aux intentions douteuses, j'ai envie pour faire écho à cette "distanciation sociale" qui me donnait la chair de poule de l'entendre, avec Les barrières de Savinien Lapointe
Les barrièresL'après-midi
Un soleil éclatant sur les murs de ParisRépand du haut des cieux son magique souris,Vidant les ateliers en habits du dimanche,La population comme un fleuve s'épanche.
Culottes de velours, casquette, gros souliers,Veste ronde, voilà nos larges charpentiers ;Un peu roides de corps, mobiles du visage,L’œil d'aplomb, la voix rude et le style sauvage ;Au Petit Ramponneau pour prendre leur repas,Une main dans la poche, ils redoublent le pas ;Humant avec bonheur le très cher brûle-gueule...Leurs femmes, disons-le, n'ont pas l'esprit bégueule :Jupe courte, bas blancs, tablier fin, croix d'or,Accortes, se riant du chétif mirliflor,Bien loin de gourmander le bon garçon qui fume,A l'odeur du tabac leur amour se parfume.
Ouvriers charpentiers, j'aime votre fierté ;Votre coeur poétique épris de liberté.J'aime, pardonnez-moi, vos femmes rondelettesEt sans morgue ; partant, sans nul souci d'aigrettes.Je les aime surtout lorsque dans le chemin,Courant au mendiant que le plaisir repousse,Elles laissent tomber une parole douceEt le sou du Seigneur dans le creux de sa main.
Serruriers, forgerons, maçons, tailleurs de pierre,L'artisan du chantier, celui de la carrière,Sous de verts acacias que les vents font trembler,Au repas fraternel accourent s'attablerPour charmer les ennuis d'une rude semaine,Quand le septième jour dans ce lieu les ramène.La table est de sapin, sans doute, mais dessusBrille un morceau de veau qui baigne dans le jus ;Mais à l'extrémité de ces planches grossièresFigure un vaste plat de rouges parmentières,Et Jeannette, l'Hébé du bruyant cabaret,Apportant broc sur broc d'un petit vin clairetPar elle baptisé sans dispense du pape,Sait leur faire oublier l'absence de la nappe ;Car, fraîche et réjouie, elle répond mieux qu'euxAux ris entrecoupés de propos graveleux.
Vous, heureux, qui bâillez dans vos palais de marbre,Le coeur vide où s'efface un rêve d'amitié,Vos plaisirs, faux rubis, inspirent la pitiéA ces bons compagnons attablés sous un arbre ;Leur appétit gaillard mange tout et sans choix ;Ce dîner, gras pour eux, pour vous serait bien maigre ;Mais l'amitié, qui fuit la demeure des rois,Là s'attarde et sourit près d'un pot de vin aigre.
L'artisan des lambris, en habit, linge fin,Triste représentant du spectre de la faim,Le plus déshérité du produit de nos treilles,Exténué, tué par de trop longues veilles,Avec sa douce femme, avec ses blonds enfantsTous chétifs, mais proprets, courent à travers champs.Que de privations durent être subiesPour ce peu de toilette ; et combien d'insomnies,De fatigues, de soins, de soucis, de tracasEut cette pauvre mère à préparer gants, bas,Robes et mouchoirs blancs ! en secret que de jeûnesPour avoir des colliers bénits aux deux plus jeunes !Bonnes gens ! puisse Dieu, touché de votre foi,Vous laisser le petit... qu'il m'a repris à moi !
Le soir, las de fouler gazon, herbe nouvelle,La famille avec joie aborde une tonnellePleine d'ombrage frais et vert du haut en bas ;Puis la femme économe acquitte le repas ;L'homme sourit au vin, l'enfant au confortable,Et la félicité, qui rend l'espoir aimable,Leur fait rêver à tous un siècle plus humain.Hélas ! à ce beau jour quel triste lendemain !
Savinien LAPOINTE
Ici il était question de barrières sociales, n'est-ce-pas? Les temps ont bien peu changé.
Camille Pissarro, 1830 - 1903, peintre impressionniste
Je ne connaissais pas Savinien Lapointe merci du partage de ce poème que j'ai beaucoup aiméet que je résume par " L'argent ne fait pas le bonheur ". il peut parfois empêcher de profiter des joies simples de la vie. Bises et belle semaine
RépondreSupprimerUn bien joli poème sur fond de Pissaro, merci Jeanne. Bisous
RépondreSupprimerMerci pour ce poème que je découvre et qui traduit si bien la fracture sociale . Bonne journée Jeanne
RépondreSupprimerBises
Magnifique, ce poème, Jeanne, et le tableau du temps également !
RépondreSupprimerBon mardi,
Bises♥
Je découvre à la fois le poète et le poème... merci, Jeanne.
RépondreSupprimerJ'adore le tableau... et ses barrières qui n'en sont pas vraiment lorsque la rencontre doit se faire.
Pour ce qui est du covid et de ses conséquences, je ne dis plus rien. Je crois que la fracture sociale est bien là.
Bises et douce journée.