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jeudi 2 février 2017

San Rafael (Córdoba), de Federico García Lorca

abécé à la barre du défi n°179 des CROQUEURS DE MOTS nous donne une minute pour convaincre et pour ce premier jeudi poésie le mot "onde" comme piste d'inspiration ou de choix.

Le poème en castillan se trouve en deuxième partie de ce billet



San Rafael (Córdoba) 

I

Des voitures fermées arrivaient
aux rives de joncs
où les ondes lissent
un torse romain dénudé.
Voitures, que le Gualdalquivir
dédouble dans son cristal mûr,
entre gravures de fleurs
et résonance de nuages.
Les enfants tissent et chantent
la désillusion du monde,
près des vieilles voitures
perdues dans le nocturne.
Mais Cordoue ne tremble pas
sous le mystère confus,
même si l'ombre élève
l'architecture de la fumée,
un pied de marbre affirme
son chaste éclat desséché.
Des pétales de fer-blanc fin
brodent les gris purs.


II

Un seul poisson dans l'eau
qui unit les deux Cordoue :
Blanche Cordoue de joncs.
Cordoue d'architecture.
Des enfants au visage impassible
au bord de l'eau se dénudent,
apprentis de Tobie
et Merlins par la taille
pour ennuyer le poisson
d'une ironique question
veut-il des fleurs de vin
ou des sauts de demi-lune.
Mais le poisson qui dore l'eau
et endeuille les marbres
leur donne leçon et équilibre
de solitaire colonne.
L'Archange arabisé
de paillettes obscures
dans le meeting des ondes
cherchait rumeur et berceau

*

Un seul poisson dans l'eau.
Deux Cordoue de beauté.
Cordoue brisée en jets d'eau.
Céleste Cordoue sèche.

Federico García Lorca, Romancero gitano
Présenté et traduit par Yves Véquaud, dans son recueil de choix de poèmes de La Désillusion du monde* (titre repris du poème ci-dessus).

Federico García Lorca, 1898 - 1936, tout à la fois poète, dramaturge (La savetière prodigieuse), metteur en scène, directeur de théâtre, dessinateur, musicien, il déclarait à un journaliste en 1935 :

"Travailler en manière de protestation. Parce que le premier mouvement serait de crier, tous les jours, en se réveillant dans un monde plein d'injustices et de misères de tout ordre : je proteste ! je proteste ! je proteste !"



L'année suivante, en 1936, il est fusillé par les fascistes au début de la guerre civile espagnole.

* Un petit livre que je ne regrette pas d'avoir acheté (pour 5 euros)dans une version bilingue soignée. Même si je ne connais pas l'espagnol, je peux en apprécier la construction qui ne peut être restituée en français. Le traducteur s'est attaché à rester au plus près du mot et du texte, même s'il dit lui-même que "toute traduction est une trahison, ou plus justement encore, la poésie est intraduisible".

San Rafael de Federico García Lorca

I
Coches cerrados llegaban
a las orillas de juncos
donde las ondas alisan
romano torso desnudo.
Coches que el Guadalquivir
tiende en su cristal maduro,
entre láminas de flores
y resonancias de nublos.
Los niños tejen y cantan
el desengaño del mundo,
cerca de los viejos coches
perdidos en el nocturno.
Pero Córdoba no tiembla
bajo el misterio confuso,
pues si la sombra levanta
la arquitectura del humo,
un pie de mármol afirma
su casto fulgor enjuto.
Pétalos de lata débil
recaman los grises puros
de la brisa, desplegada
sobre los arcos de triunfo.
Y mientras el puente sopla
diez rumores de Neptuno,
vendedores de tabaco
huyen por el roto muro.

II
Un solo pez en el agua
que a las dos Córdobas junta:
Blanda Córdoba de juncos.
Córdoba de arquitectura.
Niños de cara impasible
en la orilla se desnudan,
aprendices de Tobías
y Merlines de cintura,
para fastidiar al pez
en irónica pregunta
si quiere flores de vino
o saltos de media luna.
Pero el pez, que dora el agua
y los mármoles enluta,
les da lección y equilibrio
de solitaria columna.
El Arcángel aljamiado
de lentejuelas oscuras,
en el mitin de las ondas
buscaba rumor y cuna.

*
Un solo pez en el agua.
Dos Córdobas de hermosura.
Córdoba quebrada en chorros.
Celeste Córdoba enjuta.

pont de Cordoue sur le Guadalquivir



6 commentaires:

  1. Je connais cordou. C'est ma ville préférée d'Andalousie. Merci de ce très beau partage.

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  2. Merci Jeanne, je connais surtout de nom... fusillé, quelle horreur d'absurdité, bon jeudi, bises

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  3. Un très bon choix qui nous mène plus qu'à Cordoue...

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  4. ils sont difficiles à trouver les poètes... les librairies n'en font pas cas !

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  5. Merci pour ce poème dans sa version bilingue... c'est celle que je préfère.
    Lorca est de mes poètes espagnols préférés.
    Passe une douce journée. Bisous.

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  6. Un bon choix, Jeanne ! Bon matin de ce vendredi ! Bises♥

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